En prison depuis plus de 6 mois: L’avenir politique de Khalifa Sall en question

Empêtré dans l’affaire politico-judiciaire de la caisse d’avance de la Ville de Dakar, Khalifa Sall voit aujourd’hui son avenir politique hypothéqué par un procès qui semble, de jour en jour, inévitable. Des acteurs judiciaires se prononcent.

Dans les liens de la détention préventive depuis plus de six mois, Khalifa Sall joue son avenir politique dans ce qu’il est convenu d’appeler l’affaire politicojudiciaire de la caisse d’avance de la Ville de Dakar. Le maire de Dakar écoperait-il d’une peine d’emprisonnement qu’il prendrait sa retraite politique plutôt que prévu. Puisqu’il ne pourrait plus participer, en tant que candidat éligible, à aucune élection au Sénégal, y compris la présidentielle de 2019, face au président Macky Sall.
Ce spectre d’une condamnation plane de plus en plus sur la tête de l’édile de Dakar comme une épée de Damoclès, avec les multiples revers essuyés dans la bataille procédurale engagée par ses conseils. Au rythme où vont les choses, le maire de Dakar file tout droit vers un procès.
Même si, jusqu’ici, il ne s’est pas avoué vaincu dans cette bataille de procédures, il n’est pas loin d’avoir épuisé toutes les voies de recours qui s’offrent à lui et à ses conseillers. Placé sous mandat de dépôt le 7 mars 2017 pour détournement de deniers publics portant sur la somme de 1,8 milliard de francs CFA, blanchiment de capitaux, d’escroquerie portant sur des deniers publics, faux et usage de faux en écriture administrative et de commerce, et d’association de malfaiteurs avec six autres de ses proches collaborateurs, Khalifa Sall est dans l’expectative. Son avenir politique, pourtant très prometteur, s’assombrit au fur et à mesure que ses différentes requêtes introduites dans les juridictions compétentes aux fins d’annulation de procédure sont rejetées.
Le maire de Dakar joue, en effet, une de ses dernières cartes, en décidant de se pourvoir en cassation, après le verdict rendu par la Chambre d’accusation de la Cour d’appel qui a confirmé la décision en première instance du doyen des juges d’instruction Samba Sall.
  • Le syndrome Karim Wade
Tout comme le fils de l’ancien président de la République, Karim Wade, Khalifa Sall peut être frappé d’inéligibilité, s’il est condamné. Dans le Code électoral sénégalais, il est indiqué que pour être candidat à des élections, il faut disposer de ses droits civils et politiques. Selon l’article L.57 de ce code : ‘’Tout Sénégalais peut faire acte de candidature et être élu, sous réserve des conditions d’âge et des cas d’incapacité ou d’inéligibilité prévus par la loi.’’ Or, relève l’article 34 du Code pénal sénégalais : ‘’(…) Lorsque la peine d’emprisonnement prononcée sera supérieure à cinq ans, l’interdiction définitive de tous les droits devra obligatoirement être prononcée. Et l’interdiction prendra effet à compter du jour où la condamnation sera devenue définitive.’’ C’est dire que si Khalifa Sall est condamné de manière définitive, il ne pourra plus être candidat.
Toutefois, nuance un avocat contacté par ‘’EnQuête’’, ‘’si la peine d’emprisonnement ne dépasse pas cinq ans, il peut toujours bénéficier de ses droits’’. Mais, précise-t-il, ‘’sur le plan de l’élection présidentielle, parmi les actes pour lesquels la candidature est recevable, il y a l’extrait du casier judiciaire. Si l’extrait du casier judiciaire fait mention d’une condamnation ferme, le Conseil constitutionnel peut l’invalider’’.
  • Calculs politiques
Si tous les recours judiciaires intentés, depuis plus de six mois, n’ont donné jusque-là aucun résultat escompté, ils laissent tout de même apparaître toute la réticence de l’édile socialiste à aller à un procès dont l’issue peut aisément être devinée. Cela obéit à une logique politique. Car un procès serait, en effet, trop risqué pour le maire de Dakar, dès lors qu’une possible condamnation définitive hypothéquerait à jamais son avenir politique. A 61 ans, l’édile socialiste pourrait ainsi voir son rêve de briguer la magistrature suprême s’évaporer, malgré tous les efforts et les sacrifices consentis jusque-là.
C’est d’ailleurs ce qui pourrait expliquer toute son agitation et toute sa volonté à aller jusqu’au bout de la bataille de procédure. Quitte à rester encore à prison. Sauf que cette option porte déjà préjudice à ses coinculpés qui s’impatientent de voir le procès s’ouvrir et d’être fixés sur leur sort le plus rapidement possible.
Début du clash entre Khalifa et Macky Sall
Promu à un bel avenir politique, le secrétaire national à la vie politique du Parti socialiste s’est positionné sur l’échiquier politique sénégalais comme un sérieux adversaire du président Macky Sall, en perspective de l’élection présidentielle de 2019.
Entre 2012 et 2017, il s’est forgé une véritable réputation qui l’a propulsé au-devant de la scène politique sénégalaise, d’abord, à travers ses prises de position par rapport à l’action gouvernementale, ensuite, la dissidence créée au sein de son parti, puis ses réalisations à la ville de Dakar avec ses différents projets dont le pavage et le lait à l’école. Malgré l’alliance qui lie sa formation politique – le PS – au parti au pouvoir, dans le cadre de la coalition Benno Bokk Yaakaar, Khalifa Sall s’est toujours démarqué du bilan du président Macky Sall.
C’est ainsi qu’il a appelé à voter Non au référendum du 20 mars 2016, s’opposant aux réformes proposées par le président de la République. On avait atteint là le point d’orgue de relations qui n’ont eu de cesse de se détériorer, depuis 2014, entre le maire de Dakar et le président de la République.
En effet, elles étaient au beau fixe jusqu’aux investitures pour les élections locales de la même année. Mais il faut savoir que dès son installation au pouvoir, avec la réforme de l’acte 3 de la décentralisation aussitôt initiée, le chef de l’Etat a tenté d’isoler le maire de Dakar, en dépouillant la ville de toutes ses prérogatives. Aussi, en érigeant les communes d’arrondissement en communes de plein exercice.
Donc, lors des investitures pour les élections locales de 2014, sentant qu’il n’aura jamais les faveurs de l’APR, il a mis en place la coalition Taxawu Dakar qui est sortie largement victorieuse de ces joutes électorales avec, dans son escarcelle, 16 des 19 communes que compte le département de Dakar.
Ce fut, dès lors, le début d’une bataille politique déclarée entre les deux camps et où tous les coups sont permis. C’est d’ailleurs dans ce sillage que le président de la République a lâché la redoutable Inspection générale d’Etat à ses trousses pour fouiller sa gestion. Une stratégie payante, puisque celle-ci, dans son rapport remis au chef de l’Etat, a éventé un détournement de deniers publics d’un montant cumulé de 1,8 milliard de nos francs, à travers la caisse d’avance de la Ville de Dakar. Depuis, le président Macky Sall semble tenir le bon bout pour neutraliser l’adversaire politique que représente le maire Khalifa Sall.
  •     EnQuete
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