El Hadji Omar Tall : «Père de la religion» islamique au Sénégal

«Abou dini wa Taqwa». C’est en ces termes que Serigne Babacar Sy dans un de ses hommages, a rendu El Hadji Omar Tall  (1764 et 1864). C’est pour attribuer à cette figure emblématique son rôle central dans la consolidation de l’Islam au  Sénégal. Pour le successeur d’El Hadj Malick Sy, si on devrait attribuer le qualificatif  de «Père de la  religion» islamique au Sénégal,  ce serait  sans  doute El hadji Omar Tall. Au Sénégal, la Tijaniyya s’est en effet propagé grâce à l’action et les connections réussies par El Hadj Omar Foutiyou Tall (1797-1864). Lors du pèlerinage qu’il a effectué à La Mecque en 1827, le vénéré  guide toucouleur  avait fait la connaissance de Cheikh Muhammed El Ghali, un des disciples directs du fondateur de la Tijaniyya qui, impressionné par les qualités intellectuelles, morales et spirituelles du Sénégalais, l’initia à la doctrine tijane, avec pour mission, de diffuser celle-ci en Afrique au Sud du Sahara. Les grandes figures de la Tijania ont toutes reçu leur initiation du grand père de Thierno Seydou Nourou Tall, une  des figures marquantes de l’Islam au Sénégal. EL Hadji Malick Sy jouera un rôle de premier plan, l’action de El hadji Omar s’est prolongea grâce à l’action d’El Hadji Abdoulaye Niasse, Amary Ndack Seck de Thiénaba,  Cheikh Saïd Ba de Médouna Gounass,  Cheikh Abdou Cissé de Diamal Cheikh Ahmed Déme, Serigne Mayoro Sall entre autres érudits.
 Par  Omar DIAW – Sud Quotidien

El Hadji  Omar Tall vu le jour entre 1794 et 1797 à Halwar près de Podor. Son père,  Thierno Saïdou Tall  et sa mère Adama Aïssé Thiam ont donné naissance à huit enfants dont Omar qui était le dernier. Et c’est pour cette raison qu’il fut surnommé « Kodda Adama Aysé»,  le dernier né d’Adama Aysé.
 
Après ses humanités coraniques, c’est à Oulata que le jeune Omar s’est rendu pour poursuivre ses études théologiques auprès  de savants maures du Tagant puis à Pire  où raconte-t-on, son père étudia. Il rejoignît ensuite Cheikh Abdou Karim Diallo, au Fouta Djallo, et  c’est là qu’il reçut son initiation à la voie Tijania. Ce même Abou Karim fut initié par Maouloul Fall de Chinguitti, lequel fut initié par  Mouhamed El Hafiz,  désigné par Cheikh Ahmad Al Tijane, khalif pour la Mauritanie. Cette chaîne d’initiation est confirmée par El Hadji Omar dans son célèbre ouvrage «Rimah».  
 
Comme le note Samba Dieng  lors  du colloque dédié à El Hadji Malick Sy, El Hadji Omar a mentionné dans Rimah le texte de l’autorisation spéciale que lui donna le Cheikh Mouhamed Al Ghali,  qu’il a rencontré à La Mecque.
 
«Je me soumis entièrement à lui,  je restai trois ans à son service confirmant ainsi mon initiation. Il m’apprit le Zikr nécessaire, m’installa dans la chaînes des adeptes de la Tarikha et ne cessa de m’initier à des Zikr, et de m’aider spirituellement. J’acquis des lumières grâce à lui en toute conformité aux lois formelles et substantielles», lit-on également dans l’ouvrage sur les confréries au Sénégal du professeur Khadim Mbacké.
 
Si les différentes sources que nous avons visitées ne semblent  pas s’accorder sur la date de son pèlerinage à La Mecque (1820, 1826 ou 1827 ?),  c’est  cependant la date de 1827 qui  revient le plus.  Ce pèlerinage restera  ainsi un événement capital dans la vie d’Al Foutiyou puisqu’il est désigné khalif Tidjani par le Cheikh Mouhammad Al Ghali lui-même Khalif pour les pays d’Orient, résidant aux Lieux Saint de l’Islam.
 
En revenant de La Mecque, El Hadji Omar passe par le Bornou juqu’au moment où un conflit l’opposa au sultan qui faillit entraîner son assassinat. Cela l’obligera à se réfugier au Nigeria auprès d’Ahmed Bello, fils de Ousmane Dan Fodio. Il épousa sa fille et quitte le Nigeria. En 1838, El Hadji Omar songe à se rapprocher de son pays, et entreprend un long voyage qui le mène au Fouta Djallo, et sur le chemin de retour, il est reçu par Sekou Ahmadou émir du Macina. Il séjourne huit mois à Hamdallahi où naquit son fils Habibou. Il se rendit ensuite tour à tour à Ségou,  fonde une zawia et se fait de nombreux adeptes.
 
 Il quitta  en 1842 pour retourner dans son Fouta natal  Halwar. Mais il  devra retourne à l’Est en traversant le Fouta  et poursuivra ses activités  du Jihad. Il séjourne dans de nombreuses localités dont  Dinguiraye. Lors de son second voyage au Fouta Toro, El Hadji Omar oblige les familles toucouleurs à le suivre, pour venir peupler le Kaarta.  Outre ces activités guerrières, on retiendra qu’El Hadji Omar reste le principal propagateur de l’Islam et de la voie Tidjiane en Afrique noire et particulièrement au Sénégal. Le guide toucouleur va ainsi  confirmer  le Wird Tijani à Alpha Mayoro Wellé autorisant à ce dernier d’implanter l’ordre Tijani au Sénégal.
 
Dans le préface à son ouvrage «Ifham al  Munkir» (Réduction  du négateur du Silence) El hadji Malick Sy, qui a hérité des attributs à l’âge de 18 ans, donne la liste de tous ses maîtres en mystique et ses chaînes initiatiques jusqu’au Cheikh Ahmed  Al Tijani.  Cheikh Omar renouvela les termes de son affiliation à  son  hôte Alpha Mayoro, venu de Gaya, lors de son escale à Oréfondé (Matam). En effet, les sources  rapportent que Cheikhou Omar reçut le khalifa de Mohamed El Ghali sur injonction du Prophéte. Cheikhou Omar  dit à Alpha Mayoro de transmettre le wird à son neveu de la part sa part,  et  de s’écarter de  toute intermédiation entre eux.  Comme pour  confirmer qu’El hadji Omar et El Hadji Malick Sy poursuivaient  un même combat, certes dans des contextes différents, avec cependant la volonté de reproduire le modèle du Prophéte (Psl).
 
THIERNO SEYDOU NOUROU TALL : L’emblématique khalife d’El hadji Omar

Le 25 janvier 1980,  El hadji Seydou Nourou Tall, quitta le bas monde à Dakar après un siècle d’existence. Petit-fils d’El Hadji Omar Tall, cette figure de l’Islam et de la Tarikha Tidiane serait né en 1873 à Nioro du Sahel de Nourou Tall et de d’Aïssatou Kamissoko. Témoin de la chute de l’empire d’Ahmadou Sheikhou en 1893, Seydou Nourou Tall avait connu les voies de l’exil qui l’avaient mené successivement à Kaye, Nioro, Boghé, puis à Saint Louis. Dans la vieille ville, il fit la connaissance d’El Hadji Malick Sy vers 1895, très réputé dans les milieux des lettrés d’alors. S’ensuivirent, précisera Aly Codou Niang dans son mémoire de maîtrise d’histoire soutenu en 1988, des relations entre les deux hommes. Relations scellées sur la base d’un échange réciproque de services, allant de la protection des adeptes de la religion à la propagande de la  doctrine Tijane. Thierno Seydou Nourou Tall  avait ainsi reçu son Idiaza (parchemin ou  attestation)  d’El hadji Malick Sy. Ainsi, hormis l’aspect mystique, les branches Sy et Tall entretiennent des relations très étroites qui se prolongeront sous les Khalifats de Serigne Babacar Sy, Serigne Abdoul Aziz Sy et tous les khalifs de Maodo Malick Sy. Thierno  Seydou entreprendra la réorganisation dans les familles Tall. Thierno Omar Tall, petit frère de Thierno Mountagha Tall est installé à Boghé (Mauritanie), Thierno Ady  Amadou Mountaga à Nioro (Mali) ou Thierno Madani à Ségou au Mali.  Thierno Seydou Nourou qui était sans doute le plus connu des petits-fils d’El Hadji Omar  élit domicile à Boghé au Fouta auprès d’Ahmadou Moctar Sakho avant de s’installer à Dakar. De son côté,  Thierno Mountagha Daha (père de l’actuel Khalif Serigne Bachir Tall) avait institué une branche de la famille Tall à Louga.

El hadji Seydou Nourou Tall deviendra le principal représentant de la famille d’El Hadji Omar Tall au Sénégal. Celui qui veillera à la sauvegarde de l’héritage omarien qui est la Tijania.
L’une des grandes réussites aura certainement été la constitution d’une branche d’obédience omarienne.  Les contrées les plus éloignées furent attestées. Hassimou Tall en Arabie Saoudite, Bachir Tall au Soudan, Ahmadou Cheikhou à Sokoto sans compter d’autres figures exilées.

Ses voyages effectués dans les territoires de l’ex Afrique occidentale française ( Aof) ont sans doute contribué à la notoriété et l’admiration.  L’administration coloniale comme les autorités étatiques du Sénégal ont fait de lui un des interlocuteurs  privilégiés auprès des populations.  Depuis 1980, Thierno Seydou Nourou repose dans le mausolée à l’avenue  Malick Sy à Dakar.
 
 
TIJANNIYYA : A la source de la voie soufie

La Tijaniyya trouve son origine vers 1781 lorsque  Cheikh Ahmed At-Tijani, à 46 ans, lors d’une retraite spirituelle à Boussemghoun (Algérie), a eu une vision. En l’état de veille, le Prophète Mohamad lui ordonne d’abandonner toutes ses affiliations précédentes. Son ordre prend rapidement une expansion importante sur la région, ce qui provoque l’inquiétude des autorités du royaume d‘Alger. Il prépara donc son exil vers le Royaume de Maroc suite aux inquiétudes du Dey d’Alger. 

Le 22 juillet 1799 (18 Safar 1214 de l’Hégire), Ahmed reçoit le statut de Pôle caché. Mais c’est du Maroc, à Fez précisément, où il s’installa définitivement et quitta le bas monde en 1818.  Sa doctrine de base  sera consignée dans un ouvrage intitulé «Jawâhir al-maani» ou «Les Perles des Sens».

La Tijaniyya est la confrérie musulmane la plus répandue au monde. Aïn Madi, en Algérie, sera point de départ de la Tijaniyya. C’est à partir de ce lieu d’implantation que la Tarikha s’est diffusée dans un premier temps dans le désert algérien avant de se répandre au Maroc, en Tunisie, en Arabie Saoudite, en Mauritanie, dans la région Sénégambie, mais aussi au Mali, au Burkina Faso, au Tchad, en Guinée, jusqu’au Soudan,  Nigéria, au Ghana, en Indonésie et au Pakistan. On la trouve également, en Égypte, en Syrie, en France, etc.

Ses adeptes se comptent par millions surtout en Afrique subsaharienne. Cet ordre allait se déployer et atteindre surtout l’Afrique subsaharienne à travers la Mauritanie et le Sénégal pour jouer les grands rôles. Après la période post omarienne (voir par ailleurs), d’autres figures devront émerger à la fin  du 19e siècle.

Au Sénégal, la cité religieuse de Tivaouane reste le foyer majeur de la Tijaniyya grâce  au rôle joué par  Maodo Malick Sy dans la propagation de la Tarikha à travers le pays.  Elle a aussi rayonné par le biais d’El Hadji Abdoulaye Niasse de Kaolack et de l’empreinte de son fils, El Hadji Ibrahima Nasse qui réussira une diffusion de la voie Tidiane au Saloum, en Gambie et dans d’autre pays comme le  Nigeria.  D’autre maîtres ont également été actifs dans le pays.  D’autres érudits et maîtres confirmés seront également actifs, tels El Hadji Ahmadou Barro Ndieguene, Amadou Ndack Seck de Thiénaba,  Amadou Saïdou Ba,  fondateur de Madina Gounass,  Mayoro Sall et son  fils Serigne Abass Sall, de  Louga, Rawane Ngom de Mpaal, Baba Ndiongue de Mpaal, El hadji Amadou Dème de Sokone,  Abdou Cissé de Diamal pour ne citer que ces ceux-là.

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