Décès du journaliste Doudou Diène : Un seigneur du micro s’en est allé

Le journaliste Doudou Diène, ancien agent à l’Orts (actuel RTS) et ancien reporter sportif est mort, ce dimanche, à Paris. Le professionnel dans l’art d’informer était un seigneur du micro, tant sa voix était captivante. Ses auditeurs gardent certainement sa maîtrise de la langue de Molière et sa haute culture journaliste. Doudou Diène écrivait également des chroniques.
En voici une.
La chronique de Doudou Diène : « Jeunes journalistes, votre attention s’il vous plait »
A l’occasion de la journée internationale de la Radio, Michel DIOUF, Directeur de Radio Sénégal, avait demandé à Doudou DIENE, de s’adresser aux auditeurs, par le biais d’une chronique. Ci-dessous, le texte de cette chronique de Doudou DIENE, diffusée dans le Journal parlé de Radio Sénégal, le 13 Février 2017.

Placard ! Vous avez bien dit placard ! Eh bien, voilà l’endroit idéal dans lequel je m’étais réfugié depuis belle lurette, d’autant qu’on m’avait appris que lorsqu’on a tendance à se montrer, l’on risque souvent de s’exposer aux balles des tireurs embusqués. En termes moins métaphoriques, j’avais opté pour un silence médiatique de bon aloi, m’appuyant, pour ce faire, sur cette logique cartésienne et cette franchise rabelaisienne qui m’obligeaient à faire place nette, au bénéfice de mes jeunes confrères.


Faute d’avoir raison, j’avais donc mes raisons. Et voilà que, pour une prétendue bonne cause, l’on me demande de quitter l’arrière boutique pour m’afficher à la pleine lumière de la vitrine. A mes risques et périls, sans doute ! Car, ce qui est sûr c’est que j’accuse maintenant un certain retard sur le plan professionnel. Ce qui est certain, c’est que des efforts d’adaptation s’imposent de ma part. Ce qui est évident, c’est que je dois tenter d’être à la hauteur de ce qu’attend de moi Michel Diouf (*) qui, grâce à sa courtoisie exquise et à sa subtilité intellectuelle, m’a poussé à reprendre la parole.


Ce qui est indéniable, c’est que je serai jugé, sans concession. Surtout par de nombreux jeunes confrères qui peuplent les médias sénégalais car, sans préavis de réflexion et sans prétention aucune, j’ai bien envie de leur dire, un peu et même un petit peu plus qu’un peu, ce que je pense de leurs prestations professionnelles. Au risque, d’ailleurs, de les égratigner. Mais, que voulez-vous ? Ça ne gratte que là où ça démange.


Reproche de première rangée, première catégorie donc : certains de ces jeunes confrères ont souvent tendance à confondre information et opinion. Comment faire comprendre alors, quand on ne comprend pas, soi même, qu’entre l’information et l’opinion, il y a une différence de nature. En effet, l’information est bien un jugement d’existence, alors que l’opinion est un jugement de valeur.


En d’autres termes, une information peut et doit se prouver. Une opinion est, au contraire, une affirmation subjective qui n’a pas, en elle-même, plus de certitude que l’opinion adverse, même si, telle opinion est tenue pour plus raisonnable qu’une autre. Etablir la différence relève simplement d’une démarche professionnelle qui exige de comparer, de recouper, d’opposer au besoin, les versions d’un même thème, pour s’approcher de la vérité.

Une vérité qui permet souvent de percevoir aussi bien les mensonges d’expression que les mensonges d’intention de bien des politiciens sénégalais ; ces politiciens qui ont souvent des relations fort complexes avec la vérité. Ce qui peut permettre, dans bien des cas pour des jeunes confrères, d’éviter de se livrer à des conclusions à caractère hypothéticodéductif.


Voilà quelque peu pour les précautions à prendre pour le fond. Et ce qui ne devrait rien gâter, c’est le soin à apporter à la forme. Une forme qui écarte un langage relâché, épousant les contours d’une familiarité inadéquate et de la vulgarité, de l’incongruité verbale, de l’hérésie sémantique ou de l’outrage terminologique. Au demeurant, aucune obligation de faire preuve de coquetterie intellectuelle, mais nécessité de retenir que le «style c’est l’homme», afin de ne pas tomber dans le domaine de ce mimétisme qui pousse à faire partie de ces idiots utiles qui avalent tout : la sucette, le bâtonnet et le papier d’emballage. N’en jetez plus ! me direz-vous.


Alors, permettez-moi, avant de retourner à mon placard, d’envoyer un bouquet de compliments dans le jardin de certains de mes confrères que je garde en haute estime : Mansour Sow, Martin Faye, Laye Diaw, Oumar Seck, Ibrahima Sané, Momar Lô, Mbaye Sidy Mbaye, Pathé Fary Diop, Diadji Touré et le défunt Ibrahima Bayo, ces seigneurs du micro, ces couturiers de mots, ces tailleurs d’idées, ces brodeurs de formules, ces merveilleux journalistes ayant l’étoffe de grands professionnels. Je me dois, pour mille raisons, de leur dire merci. Non pas un merci de convenance, mais bien un merci tout sucre, tout miel. Un merci qui, pour cette chronique, constitue le fin mot et le mot de la fin.

Un merci qui, pour cette chronique, constitue le fin mot et le mot de la fin.

Doudou DIENE

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