Décédé ce mardi au Tchad, Idriss Déby n’a pas eu le temps et la chance de fêter sa victoire

Le président tchadien Idriss Déby Itno a été réélu avec 79,32 % des voix, selon des résultats officiels provisoires publiés lundi. Ainsi, c’est sans surprise que le maréchal-président Idriss Déby Itno, au pouvoir sans partage depuis 30 ans, a remporté l’élection présidentielle au Tchad.
Le président tchadien Idriss Déby Itno

Ce mardi 20 avril 2021, le président tchadien Idriss Déby Itno est mort dès suites de blessures reçues alors qu’il commandait son armée contre des rebelles dans le nord durant le week-end.

Le Chef de l’État, à peine réélu pour un sixième mandat, « vient de connaître son dernier souffle en défendant l’intégrité territoriale sur le champ de bataille. C’est avec une profonde amertume que nous annonçons au peuple tchadien le décès ce mardi 20 avril 2021 du maréchal du Tchad », a déclaré le porte-parole de l’armée, le général Azem Bermandoa Agouna, dans un communiqué lu à l’antenne de TV Tchad.

L’un de ses fils, Mahamat Idriss Déby Itno, général quatre étoiles à 37 ans et commandant de la redoutable garde présidentielle, dirige un conseil militaire chargé de remplacer le président, a annoncé l’armée à la radio d’Et.

Samedi 17 avril, de graves affrontements ont eu lieu entre l’armée tchadienne et une rébellion appelée Fact. L’objectif de celle-ci : chasser Idriss Déby du pouvoir. Celui qui règne en autocrate depuis plus de trente ans sur le Tchad. 

Idriss Déby Itno n’aura même pas eu le temps de fêter sa victoire annoncée à la présidentielle du 11 avril 2021. Une semaine seulement après le scrutin, dont les résultats étaient attendus le 25 avril, le maréchal en chef s’est engagé sur un autre front, autrement plus périlleux.
Les Tchadiens ont voté sans enthousiasme le 11 avril : la réélection du maréchal Déby était largement anticipée car il était opposé à six candidats sans poids politique, le pouvoir ayant écarté de la course, légalement ou par la violence et l’intimidation, les rares ténors d’une opposition déjà très divisée.

N’Djamena menacé

Premières escarmouches sérieuses, donc, entre les Déby boys et ceux que N’Djamena qualifie de “terroristes”. Ce ne sont certainement pas les dernières dans la mesure où le Fact aurait dispersé ses troupes en plusieurs colonnes pour multiplier les fronts en vue de harceler au maximum l’ennemi, rapporte l’Observateur Paalga. « Il était un homme courageux qui n’a pas voulu croire à ses propres faiblesses jusqu’à la fin. Il y a désormais une énorme inquiétude pour la population tchadienne », estime Roland Marchal, chercheur et spécialiste du Tchad.

Une cérémonie surannée et en grande pompe mais une consécration absolue pour ce fils d’éleveur modeste, militaire de carrière et combattant rebelle avant de s’emparer du pouvoir par un coup d’Etat en 1990: il n’avait de cesse de se présenter comme un « guerrier ».

C’est cette image, façonnée depuis ses premières armes aux côtés de Hissène Habré – qui avait pris le pouvoir en 1982 – jusqu’au treillis qu’il enfilait encore volontiers ces dernières années, qui lui a valu un soutien quasi unanime de la communauté internationale, malgré un bilan très critiqué en matière de droits humains.

Commandant en chef de l’armée sous Habré, qui sera condamné en 2016 pour crimes contre l’humanité, Déby renverse le dictateur en 1990, les armes à la main. Grâce, déjà, au soutien de la France.

Idriss Déby est mort mardi de blessures reçues sur le champ de bataille contre une colonne de rebelles infiltrés dans le nord depuis leurs bases arrières en Libye, a annoncé mardi l’armée à la télévision d’Etat, au lendemain de la proclamation de sa réélection pour un sixième mandat à la tête du pays lors de la présidentielle du 11 avril.

Il a exercé un pouvoir sans partage. « En colère, il fait un peu peur », commentait récemment un syndicaliste l’ayant bien connu, sous couvert de l’anonymat.

Son régime est régulièrement accusé par les ONG internationales de violer les droits humains. Ce fut le cas notamment dans les années 1990, quand sa Garde républicaine et sa police politique étaient accusées de tuer à grande échelle.

 Intimidation et népotisme 

Plus récemment, les méthodes étaient moins brutales. Mais, s’il laissait certains de ses opposants s’exprimer relativement librement, ses services veillaient consciencieusement à ne pas laisser la critique gagner la rue, par des interpellations ciblées et en interdisant tout rassemblement politique, comme avant la présidentielle du 11 avril.

Seulement six candidats, sur les 16 qui avaient déposé leurs candidatures, étaient finalement en lice contre M. Déby. Les politologues et une partie de l’opposition les qualifiaient de « faire-valoir ».

Au sein du pouvoir, Idriss Déby régnait volontiers par l' »intimidation » et le népotisme, selon ses détracteurs.

Il avait placé sa famille ou des proches à des postes-clés de l’armée, de l’appareil d’Etat ou économique, et ne laissait jamais les autres longtemps en place. Dix-sept Premiers ministres se sont succédé entre 1991 et 2018, avant que M. Déby ne fasse supprimer cette fonction pour ravir toutes les prérogatives de l’exécutif.

« Tout est centralisé à la présidence, il use de toutes les armes du pouvoir absolu en brutalisant la société », avance Roland Marchal, chercheur au Centre de recherches internationales (Ceri) de Sciences Po Paris.

Des soldats tchadiens posent sur des blindés légers ERC 90 Sagaie offerts par la France, à N’Djamena (Tchad) le 23 janvier 2021

C’est grâce à l’armée que ce militaire passé par l’Ecole de guerre en France a assis son pouvoir. Encadrée essentiellement par des officiers de son ethnie zaghawa et commandée par ses proches, elle est considérée comme une des meilleures de la région.

Mais ces derniers mois, l’unité des Zaghawas s’est à nouveau fissurée, et le chef de l’Etat a dû écarter certains officiers « douteux », selon des proches du Palais.

Déjà à la fin des années 2000, cette unité avait été sérieusement malmenée, des Zaghawas passant dans le camp de la rébellion, notamment Timan Erdimi: ce neveu de Déby prend en 2008 la tête d’une coalition rebelle qui échoue, aux portes du palais présidentiel de N’Djamena, à renverser le président. Grâce, encore, à l’appui de l’armée française.

 Soutien français 

Une nouvelle offensive rebelle très menaçante pour le pouvoir est lancée en 2019 mais est stoppée loin de N’Djamena par des bombardements décisifs d’avions de combat français.

C’est, au final, en tenant bon gré mal gré son pays, entouré d’Etats aussi faillis que la Libye, la Centrafrique ou le Soudan, que M. Déby apparaît comme l’élément stabilisateur d’une région tourmentée.

En 2013, il envoie ses soldats combattre les jihadistes au Mali aux côtés des militaires français des opérations Serval, puis Barkhane. L’armée tchadienne fournit aux Casques bleus de l’ONU au Mali un de leurs principaux contingents et passe pour la plus aguerrie de la force conjointe du G5 Sahel (Mauritanie, Mali, Burkina Faso, Niger et Tchad).

Mais le pays paye un lourd tribut à la lutte contre les jihadistes. Le groupe nigérian Boko Haram multiplie les attaques meurtrières autour du lac Tchad, contraignant M. Déby à remettre le treillis pour mener lui-même – au moins devant les médias – une contre-offensive jusqu’en territoire nigérian en mars-avril 2020.

L' »ami encombrant de la France » et des Occidentaux, comme le qualifient nombre d’experts de la région, avait su se rendre indispensable à leurs yeux contre les jihadistes.

Mais sur le front social et économique, ses détracteurs accusent le « guerrier » d’avoir eu un piètre bilan en trente ans.

Le Tchad, pourtant producteur de pétrole, est le 187e pays sur 189 au classement de l’indice de développement humain (IDH) de l’ONU, écrit l’Afp.


D’après le chef rebelle Mahamat Mahadi Ali, Idriss Déby était allé au combat dimanche et lundi. Des combats qui ont eu lieu près de Nokou dans le Kanem, une région située au centre ouest du pays. C’est là que le président tchadien aurait été blessé ce dimanche sur le champ de bataille. Le chef des Fact affirme avoir vu un hélicoptère se poser en plein milieu du combat, et évacuer le chef de guerre Tchadien. Selon nos informations, l’hélicoptère aurait ensuite volé jusqu’à Ndjamena à 400 de kilomètres, pour soigner le chef de l’État. Les chars auraient été alors immédiatement déployés autour du palais présidentiel. Idriss Déby devait s’adresser à la population lundi soir place de la nation, mais il n’est pas venu.

Selon Rfi, la constitution est suspendue. Le pays est désormais dirigé par un conseil militaire, à la tête duquel se trouve Mahamat Idriss Déby Itno, le fils de feu Idriss Déby. Ce conseil doit rester en place pour 18 mois.

Idriss Déby, 68 ans, militaire de carrière qui s’est emparé du pouvoir en 1990 par les armes, avait été promu au rang de maréchal en août dernier et venait d’être réélu pour un mandat de 6 ans avec 79,32% des suffrages exprimés, selon les résultats provisoires annoncés lundi soir par l’instance électorale nationale.le président Idriss Déby


Aux dernières nouvelles, on a appris que des élections « libres et démocratiques » seront organisées au Tchad à l’issue d’une « période de transition » de 18 mois dirigée par un conseil militaire présidé par le fils du chef de l’Etat Idriss Déby Itno tué au combat contre des rebelles, a promis mardi l’armée.

« Le Conseil militaire de Transition (CMT », présidé par le général de corps d’armée Mahamat Idriss Déby, 37 ans, fils du défunt président, « garantit l’indépendance nationale, l’intégrité territoriale, l’unité nationale, le respect des traités et accords internationaux et assure la transition pour une durée de 18 mois », a annoncé à la télévision d’Etat le porte-parole de l’armée, le général Azem Bermandoa Agouna, dans une déclaration signée par le nouvel homme fort du régime. « De nouvelles institutions Républicaines seront mises en place à l’issue de la transition par l’organisation des élections libres, démocratiques et transparentes », a-t-il poursuivi.

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