De la Normandie au Sénégal, MDI Technologies un créateur de richesses (Par Paris Normandie)

Après la Turquie et le Maroc, l’entrepreneur rouennais Mamadou Diop, créateur de MDI Technologies, installe une filiale au Sénégal. Spécialisé dans l’ingénierie industrielle et les process, il vise 200 emplois d’ici fin 2019 dans un village situé près de la frontière mauritanienne.

«Mon père m’a dit : trouve le moyen pour qu’ils puissent gagner de l’argent ! » Ils, ce sont les habitants de Thiancone Hiraye, un village de 2 000 habitants un peu perdu dans la région de Matam, non loin du fleuve Sénégal et de la frontière mauritanienne. « Depuis Dakar, vous tracez une grande ligne droite vers l’est et vous arrivez à Thiancone où les trois quarts des habitants n’ont aucun revenu, où la moitié de la population est constituée d’enfants, décrit Mamadou Diop. Ces enfants, ils vont grandir, et ils seront aussi désœuvrés que leurs parents si on ne fait rien. »

Les villages défilent après Dakar, plutôt bouillonnants, plutôt actifs. Mais en progressant vers Matam, si la route est joliment bitumée, les commerces sont plus dispersés, l’espace agrandi. C’est le royaume des chèvres, des bœufs, des ânes aussi. C’est le théâtre des nomades, qui font profiter à leurs animaux du peu d’herbe encore verte laissée par les pluies.

Retraité de Cléon, son père vient en aide aux plus démunis

Thiancone Hiraye se mérite, au bout de la route, en la quittant pour la terre sableuse surtout. Mais Thiancone sait recevoir : jeunes à cheval, à moto, bruyants forcément, grimpés sur un véhicule pour annoncer la visite de la délégation MDI.

Si Mamadou Diop est déjà là, arrivé un jour plus tôt, il n’est pas seul pour accueillir ses collaborateurs ou visiteurs venus de Dakar, de France aussi : 500 ou 600 personnes se mettent à chanter, danser, reconnaissants. Créer une entreprise au cœur du village, ce doit être une clef pour son développement, une piste pour prendre la suite de Yero Diop, 73 ans, le père du jeune entrepreneur normand de 37 ans. Le soir venu, les femmes et les hommes s’affairent autour d’un repas géant. « C’est comme ça tous les soirs, un peu moins quand mon père n’est pas là. Mais c’est comme ça, et c’est gratuit. C’est mon père qui achète toute la nourriture. Les gens qui sont les plus démunis viennent ici pour dîner, et même pour dormir, car il y a plusieurs chambres au rez-de-chaussée, toujours disponibles. Mon père, il a fait toute sa carrière chez Renault à Cléon. Avec sa retraite, il peut, il veut inviter les gens tous les soirs, les plus démunis. Ils comptent sur lui, mais ce n’est pas une solution. C’est pour ça qu’il m’a dit : trouve un moyen pour qu’ils gagnent de l’argent. » Alors, Mamadou Diop, fondateur de MDI en 2014 (200 collaborateurs aujourd’hui, 10 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2018, une prévision de 20 millions d’euros en 2020), décide de se lancer il y a un peu plus d’un an, épaulé par l’énergie et les idées de Françoise Bultel, sa chargée de développement, par ses frères aussi.

« Direction Dakar tout d’abord

Nous venons d’inaugurer le 22 novembre notre siège sénégalais au sein d’une nouvelle zone d’activités, Diamniadio, explique le dirigeant. En présence du président de la République, Macky Sall, qui pousse le développement économique de son pays. » Macky Sall à qui MDI souffle à sa manière qu’à l’est, d’où le président est originaire, il n’y a rien vraiment de nouveau. À Thiancone, les hommes s’occupent du feu qui va servir à tous les invités du soir, ceux de Yero Diop, le bienfaiteur. « Pour l’alimenter, il faut du bois, toujours plus de bois, qu’on va chercher de plus en plus loin. Il faut rouler plus de 30 kilomètres tous les jours et les autres villages font la même chose, décrit le chef d’entreprise. Alors, parmi les activités que nous allons créer, il y a la production de fours solaires. En gros, il s’agit d’utiliser le soleil, de capter ses rayons via des miroirs et de viser un boîtier situé derrière le four, comme on utiliserait une loupe. Et ça chauffe ! Les villageois pourront faire à manger, déshydrater fruits et légumes… »

Ensuite, comme MDI Process à Grossœuvre, dans l’Eure, va se moderniser, investir, Mamadou Diop va « rapatrier » à Thiancone des bancs d’usinage pour fabriquer des pièces mécaniques. « De quoi assurer la maintenance du nouvel aéroport international de Dakar (zones de contrôle, tri bagages, ascenseurs…) – nous sommes en négociation -, et viser d’autres contrats », annonce le dirigeant.

Enfin, MDI Sénégal veut s’attaquer au problème crucial de la dispersion des déchets, surtout plastiques, dans la nature. « Il n’y a pas de ramassage, et encore moins de tri, glisse Mamadou Diop, perplexe devant les déchets qui s’amoncellent un peu partout dans le village. Alors, plastique, mais aussi canettes de soda, pneus…, on va imaginer une filière, former les gens. »

Des investisseurs cités en exemple

Que les enfants « grandissent ici, trouvent un emploi, ne dépendent pas des retraités sénégalais revenus de leur expatriation », MDI est ambitieux. Yéro, le papa discret, lâche un sourire marquant son approbation. Son fils, ses autres fils avec lui, sont sur une autre voie que la sienne, celle de l’économie mais avec toujours le sens de l’humain. « On a trop longtemps appris à manger le poisson qu’on te donne, mais pas assez à le pêcher », reprend à son compte Mamadou Diop. « On peut travailler ici, il faut travailler ici, c’est ce que je répète dans mon émission économique sur Radio RTS Matam, confie le journaliste Djiby Guissé qui suit de près les aventures du village. Une façon de lutter contre la fuite trop souvent inutile de nos jeunes vers l’Europe, ce sont des investisseurs comme Mamadou Diop. »

Marc BRAUN – Paris-Normandie.fr

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