Coronavirus : le virus qui circule en France a-t-il muté ?

Depuis plusieurs semaines, la France enregistre une augmentation des contaminations au Covid-19 sans que la situation ne se détériore pour autant dans les hôpitaux. Décryptage avec Patrick Berche, professeur de microbiologie à Paris.


Se dirige-t-on en France vers une deuxième vague épidémique aussi forte que la première ? Alors que depuis plusieurs semaines les indicateurs témoignent d’une circulation accrue du nouveau coronavirus en France, le nombre d’hospitalisations et d’admissions en réanimation reste stable.

Au total, plus de 4 500 nouveaux cas positifs au coronavirus ont été détectés quotidiennement jeudi et vendredi, des chiffres inédits depuis mai, selon Santé publique France. Cet indicateur est en augmentation régulière depuis plusieurs semaines (+43 % la semaine dernière, +39 % la précédente), alors que le taux de dépistage est « stable », observe l’agence sanitaire, qui fait état dans son dernier bulletin d’un doublement des cas tous les 17 jours.

Autres marqueurs de la « forte progression de la circulation du virus », le nombre de nouveaux foyers de cas groupés (« clusters ») est « toujours en augmentation » et le taux de reproduction (dit « R ») se situe autour de 1,3 depuis fin juillet. Ce dernier chiffre désigne le nombre moyen de personnes infectées par chaque porteur du virus. Lorsqu’il est au-dessus de « 1 », l’épidémie se développe.

Pour le microbiologiste Patrick Berche, ancien directeur de l’Institut Pasteur de Lille, interrogé par France 24, « on observe une discordance entre le nombre de cas détectés et le nombre de personnes hospitalisées, qui reste stable ».

Des hypothèses mais pas de certitudes

Le spécialiste émet deux hypothèses pour expliquer ce décalage : « Soit le nombre de contaminés concerne surtout des personnes entre 20 et 60 ans et les personnes à risques se protègent davantage », explique Patrick Berche. « Soit le virus perd de sa virulence. Un mutant [du Covid-19], le D614G, circulerait en Europe et aux États-Unis et serait moins virulent et plus contagieux. Il prédominerait actuellement sur les autres souches de coronavirus. »

« Au cours des épidémies, les virus ont tendance à perdre de leur virulence. Est-on dans ce cas-là ? Ce serait une bonne nouvelle », estime-t-il.

Un article publié récemment dans la revue Cell a en effet relancé l’hypothèse d’une mutation du virus qui l’aurait rendu plus contagieux mais moins mortel. Mais d’autres spécialistes soulignent que cette souche du virus porteuse de la mutation a été identifiée depuis avril et circulait déjà en Europe lors de la première vague. Ils jugent donc peu crédible qu’elle soit à l’origine du moindre taux de mortalité actuellement observé.

« Nous sommes à la croisée des chemins, on peut avoir une épidémie qui va continuer tout doucement ou bien on peut avoir une seconde vague avec le retour d’une saison froide et humide qui entraînerait une plus grande dissémination du virus », continue Patrick Berche, qui préfère rester prudent en l’absence d’études probantes.

Une question de temps

« La situation est préoccupante », juge cependant Renaud Piarroux, chef de service à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière, interrogé par l’AFP. Plus le nombre de nouveaux cas progresse, « plus les besoins en tests, en préleveurs en laboratoire, en traçage augmentent », et « plus le risque est grand d’être dans une situation où on aura du mal à repérer tous les cas » et où l’on perdra la main sur le virus, explique le spécialiste des maladies infectieuses.

Pour certains médecins interrogés par l’AFP, la diffusion vers les populations à risques (âgées ou présentant un facteur de fragilité tel que le diabète ou l’obésité) de l’augmentation de la circulation du virus n’est qu’une question de temps.

« Une augmentation » de la proportion de nouveaux cas, certes moins forte que dans d’autres classes d’âge, est déjà « observée chez les personnes âgées de plus de 65 ans », souligne Santé publique France. Et même si les chiffres dans les hôpitaux n’ont rien à voir avec ce qu’ils étaient au printemps, il y a bien une « tendance à la hausse des nouvelles hospitalisations et admissions en réanimation ».

Jeudi, le président français Emmanuel Macron a estimé qu’il existait des « perspectives raisonnables » d’obtenir un vaccin contre le nouveau coronavirus « dans les prochains mois ». « Pour qu’une épidémie s’arrête, il faut qu’un grand nombre de personnes ait été en contact avec le virus et qu’elles aient produit des anticorps pour en être protégées », explique Patrick Berche. « Le vaccin peut permettre d’atteindre cette immunité collective. »

Avec AFP

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