Conférence au CESTI à Dakar : Edwy Plenel Co-fondateur de Médiapart, appelle les journalistes à jouer pleinement leur rôle

Le Co-fondateur de Médiapart, Edwy Plenel a appelé samedi à Dakar, les journalistes du monde entier à jouer pleinement leur rôle, d’informateur et d’instituteur du public. Il animait au CESTI (Centre d’Etudes des Sciences et Techniques de l’Information) une conférence sur le « Journalisme d’investigation et modèle économique: l’exemple de Mediapart », a constaté laviesenegalaise.com.

Pour Plenel, il y a une crise dans le métier du journalisme, dans cette époque contemporaine qui devient de plus en plus complexe avec le scepticisme du public. En effet, avec les réseaux sociaux, tout le monde est devenu journaliste. Mais, loin de toutes ces entraves, cette époque a besoin de journalistes amoureux de leur métier.
Edwy Plenel est le président et co-fondateur du site web d’information et d’opinion Mediapart, crée depuis 2008. Ce journal en ligne a joué un rôle important dans la révélation des affaires Woerth-Bettencourt, Cahuzac, Aquilino Morelle et Sarkozy-Kadhafi, mais également dans des enquêtes internationales au profit de l’intérêt général. Plusieurs médias s’inscrivent dans cette dynamique, mais avec des manquements dans le domaine de l’investigation. Les médias sont ainsi très limités à cause d’un modèle économique non viable souvent lié à la publicité contrôlée par le pouvoir ou l’oligarchie. Le problème de l’indépendance se pose alors. Ainsi, depuis quelques années, le journalisme est mis à rude épreuve, le métier a perdu ses lettres de noblesse. Parlant de la publicité et des publications, Plenel estime que la gratuité de cette activité ne peut pas faire prospérer la qualité. « Celle-ci ne peut pas être le modèle économique d’un média ayant adopté une ligne éditoriale indépendante. Car, ce modèle suppose une audience avec diverses orientations qui nous amènent à aller vers le sport, le divertissement » et d’autres faits divers et de société, dit-il en substance. Mais, soutient-il, « cela ne devrait pas être la conduite du journalisme parce que c’est cette gratuité qui va tuer son métier ».

Plenel a expliqué le modèle de Médiapart qui mise sur le public pour garder jalousement sa ligne éditoriale et son indépendance. « Notre mot d’ordre est que seul le public peut conditionner nos actes ». A l’en croire, « la crise de la représentation a aussi atteint le journalisme, mais à Média Part, les journalistes se considèrent comme les représentants du public », a-t-il assuré.
Dans un monde moderne où les dirigeants vantent la démocratie, définit comme le « pouvoir du peuple, par le peuple et pour le peuple », Edwy Plenel ne semble pas convaincu par ce concept car par moment, les indépendances et la souveraineté ont été confisquées. Même en Occident, les pays qui se croient puissants, leurs peuples vivent des coups autoritaires de pouvoirs issus des élections. En exemple, il cite l’élection de Donald Trump aux Etats-Unis, Jair Bolsonaro au Brésil, Erdogan en Turquie, Poutine en Russie, Matteo Salvini en Italie, Viktor Orbán en Hongrie et bien d’autres… Et, tous ont cette pensée commune que la démocratie c’est simplement les élections. Il suffit que je sois élu et après on congédie le peuple jusqu’aux prochaines élections. « Nous vivons une époque où il y a une vision pauvre de la démocratie », a-t-il déclaré.
Selon lui, la démocratie ce n’est pas simplement les élections comme le considèrent les Chefs d’Etat élus, mais c’est un système complexe, vivant et subtil avec des droits comme celui de savoir tout ce qui relève de l’intérêt public. Dans ce contexte, le journaliste a un rôle fondamental à jouer pour l’équilibre social. « Le droit à l’information prime sur le droit de vote », car, avance Edwy Plenel, celui qui ne sait les tenants et les aboutissants sur la gestion du bien commun, encourt les risques de voter pour son ennemi.
« Les journalistes ce ne sont pas seulement des hommes et des femmes qui choisissent une profession, mais des Hommes requis par une exigence qui les dépasse, il s’agit du droit fondamental d’informer et d’être au service du peuple », dit-il. Pour lui, dans notre société, il faut des journalistes qui soient les fantassins d’une bataille populaire au service du peuple, d’un droit fondamental, celui du savoir.
Le journaliste d’après Edwy Plenel a la responsabilité de porter au public tout ce qui se fait dans l’espace. « Tout ce qui est fait au nom du peuple doit être public, notamment le budget, la gestion administrative entre autres activités. Cependant, souligne-t-il « dans le monde actuel, nous avons des élites sans frontières, à la limite irresponsables qui ont tendance à brutaliser la démocratie ».

Dans un Etat où les pouvoirs font fuiter les capitaux vers les paradis fiscaux, emploient la corruption comme moyen de dissuasion, dévoiler des informations ayant trait à ces faits, est un devoir pour le journaliste. Il emprunte ainsi une citation d’un activiste Burkinabè : « Le rôle des journalistes, c’est de lever les lièvres et après c’est au peuple de les chasser ».
Face aux critiques et à la réticence de tous, le co-fondateur de Médiapart prête aux étudiants du Cesti cette assertion d’Albert Londres dans Terre d’ébène (La Traite des Noirs): « Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie ».
A vos plumes, vos bouches et vos claviers…………..


  ♦ Djiby DEM

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