CONCERTATIONS PROCESSUS ÉLECTORAL : Le parrainage, point d’achoppement persistant

C’est toujours le dialogue de sourds entre la majorité et les pôles de l’opposition. Après une première rencontre, il y a moins de dix jours, ils se sont retrouvés hier, à Dakar, avant que les divergences sur la question du parrainage n’abrègent la séance. Rendez-vous demain pour sauver les discussions. 

Encore le parrainage ! S’il y a une question qui risque d’écourter ou même de faire échouer les concertations sur le processus électoral, à une année de la présidentielle, c’est bien celle-là. Majorité, opposition et non-alignés se donnent rendez-vous demain pour sauver la rencontre ratée d’hier. Ce mardi, ils se sont retrouvés pour affiner les modalités d’un dialogue préalable à l’organisation d’élections. Mais le parrainage a abrégé une rencontre qui portait sur huit points devant se terminer tard dans l’après midi et qui a pris fin à 13 h. C’est tout naturellement que la majorité et ses ‘‘opposants’’ ont chacun tiré la couverture sur soi et rejeté la faute sur l’autre. ‘‘Tel qu’on voit les gens raisonner, certains sont dans une logique de sortir des concertations (…).

Dans ce cas, se serait très grave. Mais l’Etat ne peut pas ne pas organiser les élections’’, déclare le chargé des élections de la Ligue démocratique, représentant la coalition Bby aux concertations sur le processus électoral, Ousmane Badiane. ‘‘Derrière ce parrainage, nous sentons qu’il y a une volonté de signer l’arrêt de mort des partis politiques, parce qu’on a vu qu’il y avait des personnes devant être candidates et qui sont en prison’’, rétorque sans fard le professeur Amsatou Sow Sidibé du pôle des non-alignés.

Des réactions recueillies après une réunion à huis clos ayant débuté hier à 10 h de laquelle beaucoup de participants sont sortis incognito et en ordre dispersé, tentant de se soustraire aux questions de la presse. ‘‘Prévu dans la loi électorale’’, comme le précisait “EnQuête’’, il y a plus d’une semaine, lors de la première entrevue, ‘‘le parrainage est jusqu’ici réservé aux candidats indépendants. La majorité, dans les discussions en cours, propose qu’il soit élargi à toutes les formations politiques ou coalitions de partis qui souhaiteraient présenter un candidat à l’élection présidentielle de 2019.

Cette nouvelle proposition nécessite ainsi 0,75 % des électeurs inscrits, soit au moins 50 000 signatures réparties entre six régions, en lieu et place des 10 000 signatures requises et exigées aux candidats indépendants dans l’actuelle loi électorale’’. Parrainage, pour quoi faire ? La majorité évoque des raisons pratiques pour l’application de ce principe, vu les énormes ratés des élections législatives de juillet 2017. ‘‘Comment faire pour réduire la pléthore de candidats pour ne pas revivre ce qu’on a vécu pendant les législatives, car la présidentielle est beaucoup plus importante pour les populations ? La loi prévoit, pour les candidats indépendants, d’avoir un certain nombre de signatures, puisque nous sommes plus de 300 partis légalement constitués. Si on ne prend pas des mesures pour poser aux partis un certain nombre de signatures pour essayer de réduire les candidatures, ce qui s’est passé le 30 juillet va se répéter en 2019.

C’est pourquoi cette question a été posée pour ne pas limiter, mais filtrer’’, défend Ousmane Badiane. Pour le chargé des élections de la Ld, si la non-application du parrainage, accouplée à la baisse drastique de la caution pour la présidentielle (une autre exigence de l’opposition et des non-alignés) est de rigueur, il y aura dérégulation du jeu politique avec une ‘‘cinquantaine ou une centaine de candidatures’’.

Pour le représentant de la majorité, des efforts sont même consentis pour dépasser ce problème. ‘‘Il y a même une proposition qui a été faite par le ministre de l’Intérieur qu’on fasse une discrimination : le parrainage s’applique à tout le monde, mais on demande aux candidats indépendants des signatures plus importantes, parce que ce sont des personnes privées’’. Une proposition qui ne rencontre naturellement pas l’assentiment de son vis-à-vis du pôle des non-alignés.

Le professeur Amsatou Sow Sidibé s’est plus appesantie sur la philosophie politique, le respect des lois et règlements pour rejeter les propositions de la majorité. ‘‘C’est fondamentalement contraire à la Constitution et aux lois de notre pays. Vous savez, le rôle d’un parti politique est de lutter pour arriver au pouvoir et gérer la cité. Si on lui demande d’aller pêcher des signatures, c’est que cette conquête n’est plus un principe pour les partis politiques, mais une exception.

Ce qui dépasse l’entendement, surtout dans un pays comme le Sénégal où les esprits ne sont pas encore prêts pour apporter certaines réformes’’, défend le leader du parti Car Leneen. La majorité a bien proposé de mettre de côté ce point sensible, aborder les autres et revenir dessus pour l’évacuer de manière concertée. Une méthode repoussée par l’opposition et les non-alignés qui veulent que le problème soit diligenté. ‘‘C’est une question nodale, une question de vie ou de mort dans notre démocratie, une question de vie ou de mort des droits politiques fondamentaux que les pactes internationaux, la Constitution, les lois et règlements octroient aux populations sénégalaises. Voilà pourquoi les non-alignés ont dit : nous ne pouvons pas accepter qu’on nous demande de laisser en suspens cette question pour passer à autre chose ou alors attendre la fin des travaux pour en parler.

C’est plus important que tout, dans le cadre de cette discussion’’, poursuit Amsatou Sow Sidibé. Consensus sur le bulletin unique et la caution Si les discussions bloquent sur le parrainage, les deux autres points importants – la caution et le bulletin unique – semblent connaitre des avancées, même si rien n’est acquis.

Les non-alignés et l’opposition souhaitent qu’il y ait une réduction de 50 % du montant de la caution, actuellement à 65 millions de francs Cfa, car ils ne veulent ‘‘pas que l’argent sale constitue la base de notre caution dans le pays’’. Ousmane Badiane affirme qu’un consensus a été trouvé, mais que cette concertation n’est pas le cadre approprié pour arrêter des décisions qui vont engager l’ensemble des acteurs, puisque le Code électoral prévoit une discussion entre le ministre de l’Intérieur et les partis légalement constitués pour discuter du montant. ‘‘Chacun fera des propositions, le ministre fera la synthèse et quelque chose sera retenu. Donc, on s’est dit pas la peine d’engager des discussions sans objet’’, a-t-il expliqué.

Quant au bulletin unique, opposition et non-alignés ont également préconisé son introduction dans le système électoral. Amsatou Sow Sidibé affirmant qu’un pôle d’experts a été proposé pour étudier la faisabilité. Même si la majorité a exprimé son opposition, un consensus a été trouvé autour de la proposition des autres pôles. ‘‘Il y a un point d’accord retenu, quand même. On accepte le principe et on met sur pied une commission technique composée d’experts pour discuter de façon approfondie sur la question, car elle est tout à fait nouvelle’’, déclare le représentant de Bby.

 

EnQuete

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