En Côte d’Ivoire, les fous ont déchiqueté nos cœurs. Ils ont volé la vie de nos mères, de nos pères, de nos sœurs, de nos fils et filles. Ils ont même crié « Allah akbar », pour que nous soyons divisés et regardions nos voisins musulmans d’un œil effrayé. Ils veulent nous rendre paranoïaques. Au Cameroun, Boko Haram a tari les larmes de nos corps, tellement on n’arrête pas de pleurer nos morts.
Au Nigéria, on ne sait plus trop quoi dire, attentat par ici, attentat par là-bas. On se croirait déjà au Darfour. Au Congo Kinshasa, Érythrée, Soudan du Sud, plus personne n’en parle. C’est devenu normal pour les rebelles de massacrer les populations.
Lire aussi
Honte à tous !
Pendant que les familles des victimes pleurent leurs morts, en Europe nous voyons les « spécialistes de l’Afrique » défilés plateau de télévision sur plateau de télévision, nous expliquer ce qui se passe dans la tête des populations. Oui, vous n’avez pas mal lu. Je parle bien de « spécialistes de l’Afrique », c’est comme ça qu’on les appelle. À leur avis, c’est normal de dire qu’on est spécialiste d’un continent, comme si on disait être spécialiste en aéronautique, en automobile, en hôtellerie, en photographie, en viagers ou en nucléaire, etc. Oui, pour eux, c’est normal de dire qu’ils sont spécialistes d’un continent. On se demande s’ils sont spécialistes de plus d’un milliard d’habitants ou des trente milliards de kilomètres qui font ce continent ? Spécialiste des différentes langues qui sont véhiculées, des différentes traditions et coutumes qui s’y vivent, etc. ?
De quelle spécialisation parlent-ils si fièrement ? Quand j’ai vu ce défilé à la télévision, j’ai cru que j’avais oublié la définition ou le sens du mot « spécialiste », alors j’ai ouvert mon dictionnaire. C’est écrit : « Personne qui a acquis des compétences et un savoir particulier dans un domaine précis. ».
Je me rends donc compte que, selon ce que je comprends, je n’ai pas eu tort de m’interroger. Mon voisin serait donc un spécialiste de la Tunisie ou du bronzage, comme il a fait plusieurs voyages à Djerba, dans un cinq étoiles, où il s’est bien bronzé au bord de la piscine qui donnait directement à la mer ? À son retour, il nous a même raconté comment tout va bien là-bas : « les gens sont très gentils, toujours le bonjour matinal et le sourire amical ». J’ai voulu lui dire qu’un employé d’hôtel se doit d’être agréable pour ses clients, mais je me suis tu.
Ces questions qui me taraudent l’esprit :
« Qu’est-ce que les Bembas de Lubumbashi ont de commun avec les Shi de Bukavu ? » ; « qu’est-ce que les Batammariba de Kara ont de commun avec les Ewes de Kpalimé ? » ; « qui saurait vraiment m’expliquer ce qu’un Nigérian du nord et celui du sud ont de commun hormis leur nationalité commune ? » ; « qu’est-ce que les Bétés de Côte d’Ivoire ont de commun avec les Soussous de Guinée ? » ; « qu’est-ce qu’un Marocain et un Malgache ont de commun ? Un Algérien et un Cap Vierdien ?» ; « qu’est-ce que les Bamilékés du Cameroun ont de commun avec les Mbukushus du Botswana ? » ; « qu’est-ce qu’un Tchadien a de commun avec un Sénégalais, hormis qu’ils sont tous deux noirs ? » ; « qu’est-ce qu’un Bétis, un Douala, un Peul, un Yoruba, un Igbo, un Betsimisaraka ou un Banda, etc. ont de commun, sinon qu’ils sont du continent Afrique ? ». De quelles spécialisations nous parle-t-on ?
Michel Tagne Foko