Cheikh Tidiane DIOP, Secrétaire général du Ministère de l’Economie, sur la lutte contre les crimes financiers

La Réunion de préparation de l’évaluation nationale des risques et du système sénégalais de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, s’est tenue hier, mercredi. Organisée par le Ministère de l’Economie, des Finances et du Plan à l’hôtel Terrou-Bi, Monsieur Cheikh Tidiane DIOP, Secrétaire général du Ministère de l’Economie, des Finances et du Plan a présidé l’atelier.

Nous vous livrons in extenso, le discours du Secrétaire général du Ministère de l’Economie, des Finances et du Plan

« La lutte contre les crimes financiers a longtemps été une préoccupation majeure des gouvernements qui ont très tôt adopté, chacun en ce qui le concerne des mesures internes. Cependant, l’harmonisation des politiques des Etats et la coordination des actions qu’ils mettent en œuvre pour les combattre n’ont commencé à se formaliser qu’au début des années 90.

Pour lutter efficacement contre la criminalité financière, la communauté internationale a adopté différents instruments à travers lesquels elle a préconisé plusieurs mesures dont la mise en œuvre par les Etats, permettrait d’assurer la protection du système économique  et financier mondial, de mieux prendre en charge les besoins essentiels des populations et d’assurer leur plus grande sécurité.

C’est ainsi que l’Organisation des Nations Unies a adopté  plusieurs conventions signées et ratifiées par le Sénégal.

Il s’agit notamment :

  • de la convention de 1988 contre le trafic illicite de stupéfiants et des substances psychotropes ;
  • de la convention contre la criminalité transnationale organisée et les protocoles qui s’y rattachent, adoptée en 2000 ;
  • de la convention de 2003 contre la corruption ;
  • des différentes conventions et de tous les autres instruments sur le financement du terrorisme.

Les 40 recommandations du Groupe d’Action Financière (GAFI) dont s’inspirent les législations  des Etats en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, trouvent leur principale source dans ces instruments internationaux. L’appréciation du niveau de mise en œuvre des dispositions de ces instruments et de l’efficacité du système de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme d’un pays doit donc  se faire par rapport aux recommandations du GAFI.

La mission et les objectifs du GAFI peuvent se résumer en deux points :

  1. Amener les Etats à prendre les mesures nécessaires pour se conformer aux recommandations qu’il a élaborées, notamment en adoptant des lois et règlements répondant aux normes, en mettant en place les organes chargés de l’application des mesures arrêtées, en créant les conditions internes favorables à une coopération entre les parties prenantes de la lutte contre la criminalité financière et en instituant un mécanisme adéquat d’échange d’informations et de coopération avec les autres Etats, eu égard à la dimension transnationale de ce fléau ;
  1. Faire adopter par chaque Etat un système de suivi de l’application des mesures de lutte, dont la mise en œuvre traduit son adhésion au principe de l’évaluation par les pairs et la communauté internationale.

C’est pourquoi, le Sénégal qui a placé la transparence au cœur de la gestion des affaires publiques et dans tous les secteurs, de la vie économique soumet périodiquement son dispositif national de LCB/FT qu’il a mis en place à cet effet à l’évaluation d’experts extérieurs. Ainsi, notre politique en matière de bonne gouvernance peut s’apprécier aujourd’hui  dans bien des domaines,  à travers notamment :

  • le Mécanisme Africain d’Evaluation par les Pairs (MAEP), mis en place en 2003 par l’Union africaine ;
  • l’Initiative pour la Transparence dans les Industries Extractives (ITIE) ;
  • le Forum Mondial sur la transparence et l’Echange de renseignements à des fins fiscales ;
  • la mise en œuvre de la Convention des Nations Unies contre la Corruption ;
  • le programme de lutte contre les flux financiers illicites dans le cadre de l’initiative USA/Afrique.

Cette évaluation des mesures adoptées et appliquées par les Etats en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, également appelée Evaluation Mutuelle revêt, pour le Sénégal une grande importance, dans la mesure où la promotion de la bonne gouvernance est inscrite dans toutes nos politiques publiques et l’appréciation positive de notre dispositif de LBC/FT est un indicateur positif sur les flux d’investissements directs étrangers sans compter qu’un dispositif performant constitue une mesure de sauvegarde contre la criminalité transnationale au regard de l’insécurité dans la sous-région notamment dans la bande sahélo sahélienne.

Concernant la Lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (LBC/FT), leur revue consiste à faire l’évaluation des politiques des Etats dans ce domaine. Il s’agit plus précisément, d’abord de s’assurer que chaque pays dispose d’un mécanisme de prévention et de répression de ces crimes et ensuite d’apprécier l’effectivité de l’application des mesures adoptées et les résultats que celui-ci procure. L’évaluation s’effectue suivant les procédures définies par le GAFI et l’appréciation est faite par rapport aux normes élaborées par ce même organisme.

L’exercice auquel notre pays se prépare consistant à soumettre son dispositif de LBC/FT à l’appréciation de ses pairs sera le second réalisé par le GIABA, après celui de 2007, pendant le premier cycle des évaluations mutuelles qui a été bouclé en 2013. Depuis lors, la situation du pays fait l’objet d’un suivi régulier sanctionné chaque année par la production d’un rapport qui est examiné à l’occasion de la réunion plénière du GIABA.

Lors du premier cycle des évaluations mutuelles, l’objectif principal était de s’assurer que le pays évalué était doté d’un dispositif législatif et réglementaire ainsi que d’institutions répondant aux standards internationaux. C’était la conformité technique. La nouvelle méthodologie en vigueur depuis le début de l’année 2014,  apprécie quant à elle, outre la conformité technique, le niveau d’efficacité des mesures prises en relevant les résultats de l’application des lois et règlements par les structures créées.

L’autre innovation majeure est l’évaluation nationale des risques de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme auxquels le pays est exposé. Il s’agit d’un exercice obligatoire qui incombe au pays évalué et qui doit intervenir avant l’évaluation proprement dite du système de lutte contre ces fléaux par les experts étrangers.

L’évaluation des risques consiste d’abord à apprécier les vulnérabilités et les menaces de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme au niveau de chaque secteur d’activités ou catégorie d’assujettis, à procéder ensuite à la globalisation des résultats ainsi obtenus pour produire une cartographie nationale des risques sur la base de laquelle seront adoptées les mesures appropriées.

Mesdames et Messieurs,

 

L’évaluation nationale des risques que le Sénégal doit réaliser tout comme celle de sa politique globale de LBC/FT à la charge des experts internationaux nécessitent la mobilisation et l’implication de l’ensemble des acteurs.

C’est pourquoi j’invite l’ensemble des acteurs nationaux à préparer ces exercices en s’impliquant activement et efficacement dans le processus d’évaluation.

C’est à cette condition seulement que toutes les informations permettant d’attester des progrès réalisés par notre pays dans la lutte contre la criminalité financière pourront être mises à jour et tenues à la disposition des évaluateurs et qui, plus tard, feront l’objet de publication à l’attention de la communauté internationale.

Auparavant, l’ensemble des documents et statistiques utiles devront être communiqués à la CENTIF, Chef de fil désigné pour cet exercice et point de contact de l’équipe des évaluateurs.

Les informations devant servir de base d’appréciation du degré de conformité de notre système de LBC/FT concernent principalement :

  • le cadre juridique : toutes les lois et l’ensemble des textes règlementaires, y compris ceux pris au niveau communautaire, entrant dans le cadre de la lutte contre le blanchiment de capitaux, le financement du terrorisme et les infractions connexes ; à ce propos je voudrais assurer que toutes les dispositions sont prises pour l’adoption prochaine de la loi internalisant la directive communautaire
  • la communication d’informations à la CENTIF et leur traitement par cette dernière en relation avec les autres acteurs et, de manière générale, la coopération entre les parties prenantes de la LBC/FT ;
  • la supervision des assujettis par les organes habilités et les résultats des contrôles effectués à cet effet ;
  • le traitement judiciaire des dossiers se rapportant au blanchiment de capitaux ou au financement du terrorisme, les décisions rendues et les suites réservées ;
  • la coopération entre les autorités nationales et celles étrangères, y compris la signature ou l’adoption des instruments internationaux et l’entraide judiciaire.

 

Mesdames et Messieurs,

Vous mesurez donc toute l’importance que le Gouvernement accorde à un tel exercice dont les résultats devraient refléter l’option irréversible et l’engagement de notre pays à lutter contre la criminalité financière et à promouvoir la bonne gouvernance dans tous les secteurs.

Je ne saurai terminer mon propos sans remercier très vivement au nom des autorités sénégalaises le GIABA qui a accompagné de manière constante et efficace le Sénégal dans la mise en place de son dispositif LBC/FT.

En souhaitant que la rencontre d’aujourd’hui permette à chacun d’entre vous de s’imprégner de la problématique de l’évaluation du système de LBC/FT et de mieux comprendre sa place et son rôle dans cet exercice, je déclare ouverte la réunion consacrée à la préparation de l’évaluation de notre politique en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme et vous remercie de votre aimable attention ».

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