APPEL AU DIALOGUE POLITIQUE POST-REFERENDUM : POUVOIR ET OPPOSITION SUR LA CORDE RAIDE

Dialogue politique, dialogue de sourds ! Au Sénégal, les concertations entre le pouvoir en place et son opposition autour des questions foncières au jeu démocratique semblent un vœu pieux qui tarde encore à se concrétiser. Quoique les professions de foi du régime en place pullulent. Pour rien, au final !

Entre Macky Sall et la classe politique, surtout l’opposition, il semble en vérité subsister une sorte de rejet, de défiance et/ou d’adversité qui fausse le véritable jeu démocratique invitant de temps à autre à des consensus forts entre acteurs politiques. Quatre années après leur arrivée au pouvoir, le quatrième président du Sénégal et son régime n’ont aucun contact direct avec l’opposition, en dehors des débats parlementaires, eux-mêmes tronqués avec la crise du Groupe parlementaire libéral.

L’ultime appel du chef de l’Etat au dialogue politique, après l’organisation du référendum du 20 mars passé, est l’occasion pour Sud quotidien de revenir encore sur une donne où le Sénégal, pays de dialogue et de palabres, traîne paradoxalement un lourd déficit. Les responsabilités semblant toutefois largement partagées et installant toute la classe politique, pouvoir et opposition, sur une sorte de corde raide !

SEYDOU GUEYE, PORTE PAROLE DE L’APR ET DU GOUVERNEMENT : «Il n’y a pas de dialogue possible quand…»

Le président Macky Sall est un homme de dialogue. C’est à travers le dialogue qu’il a réussi à stabiliser sa coalition politique. Bennoo Bokk Yaakaar est ainsi la seule coalition dans toute l’histoire du Sénégal à avoir fait un cycle électoral complet. A chaque fois que la situation l’exige, le président Macky Sall a appelé au dialogue. C’était le cas avec l’adoption et la mise en place de sa politique de territorialisation des politiques publiques, via l’Acte III de la décentralisation qui a été menée dans un processus largement inclusif et participatif. D’autres chantiers sont devant nous pour aller au dialogue. Mais c’est très facile d’imputer l’ineffectivité du dialogue au président de la République. Je pense qu’il est de la responsabilité des deux parties au dialogue de se mettre dans la disposition de la disponibilité pour le dialogue. Quand la logique est une logique de défiance et de préalables, il n’y a pas de dialogue possible à qui ne veut pas dialoguer. Je croix que dans le cas d’espèce, le président Macky Sall a montré sa disponibilité pour le dialogue. Il faut peut-être chercher les problèmes ailleurs. Quand on est dans une posture de dialogue, on ne doit pas se préoccuper d’entendre l’écho de sa propre voix. Il faut se rendre disponible et essayer de le faire au nom de l’intérêt supérieur de la nation. Donc, il faut de l’honnêteté et de l’engagement et croire aux vertus du dialogue. Pour ce qui concerne le président Macky Sall et le pouvoir, nous sommes des militants fervents et farouches du dialogue. Ce qui se mène au niveau de l’Assemblée nationale doit être dépassé parce que c’est un cadre très institutionnel. Le dialogue doit se mener et l’une des propositions validées par les Sénégalais avec le statut du chef de l’opposition est un mécanisme potentiellement porteur d’un dialogue.

MAYORO FAYE, CHARGE DE COMMUNICATION ET MEMBRE DU COMITE DIRECTEUR DU PDS : « Macky a enfin compris qu’il ne peut pas gérer le pays sans dialogue»

Enfin, Macky Sall a compris qu’il ne peut plus continuer à gérer le pays sans dialogue. Depuis quatre ans, aucune discussion n’a été faite alors qu’Abdoulaye Wade passait tout son temps à appeler au dialogue. Quoique que toute l’opposition de l’époque pensait que c’était une simple ruse. Donc, on ne peut pas reprocher à Abdoulaye Wade de n’avoir pas essayé, contrairement à Macky Sall qui n’a pas encore appelé au dialogue. Il a jusque-là géré les affaires politiques de manière personnelle. La dernière en date est la gestion partisane du référendum que son ministre de l’Intérieur a organisé sans pour autant avoir rencontré l’opposition. Le dialogue pourrait stabiliser le paysage politique et le pays de manière générale et permettre au Sénégalais de se remettre au travail. On ne peut pas passer tout notre temps à faire de la politique et à créer des problèmes entre l’opposition et le gouvernement. Le pouvoir qui compte faire l’appel au dialogue doit faire les propositions. A partir de ce moment, l’opposition aura son mot à dire et si toutes les conditions sont réunies pour un dialogue sincère, il se pourrait qu’on ait des chances de pouvoir échanger. Nous attendons de voir quels seront la forme et le contenu du dialogue. Si nous constatons que ca va dans l’intérêt du pays, notre parti va s’engager. On ne peut pas par contre aller dans une mascarade qui revêtirait le nom du dialogue alors qu’il n’en est pas un.

MOUSSA SARR, PORTE-PAROLE DE LA LIGUE DEMOCRATIQUE : «Il y a un déficit de dialogue dans ce pays»

Je crois que vous faites bien de poser ce débat parce que nous, au niveau de la Ld, nous estimons qu’une des caractéristiques de la démocratie, c’est le dialogue entre les acteurs politiques. Ce dialogue est pour nous une nécessité vitale pour la bonne marche de la démocratie. Nous pouvons malheureusement constater qu’il y a un déficit de dialogue dans ce pays. Ce déficit, tous en sont responsables. Le pouvoir a sa part de responsabilité. Parce qu’il doit prendre des initiatives pour instaurer le dialogue avec l’opposition, par exemple. Mais l’opposition a aussi sa part de responsabilité. Parce qu’à chaque fois que le président Macky Sall a lancé un appel au dialogue, on entend immédiatement les responsables de l’opposition refuser de participer au dialogue. Lorsqu’il a été question par exemple d’instaurer un dialogue avant le référendum, j’ai entendu des responsables du Pds dire qu’il n’y aura pas de dialogue sans Karim Wade. Donc, quand on a cette posture qui consiste à dire que c’est Karim Wade qui va diriger la délégation du Pds, c’est la meilleure façon de dire qu’on ne veut pas de dialogue.

Dans ce pays, on fausse toujours le débat sur le dialogue. Dialoguer, ça ne veut pas dire que les gens de l’opposition entrent au pourvoir. Le pouvoir doit continuer à gouverner, l’opposition à s’opposer. Mais, on peut dialoguer autour des questions essentielles. On devrait dialoguer autour des réformes proposées au référendum, autour des lois réglementaires et des textes législatifs qui seront pris par l’Assemblée nationale après le référendum. Ensuite, on doit dialoguer autour des questions électorales. Aujourd’hui, on a fait un référendum, il faut peut-être instaurer un dialogue autour du fichier, autour de la proposition qui consiste à faire une seule carte pour la carte d’identité et d’électeur…Il y a toujours de la matière pour dialoguer dans un pays et l’opposition va apporter des propositions. C’est au président de la République, qui est élu au suffrage universel, de prendre ou de ne pas prendre.

ABDOULAYE SECK, PORTE-PAROLE DE BOKK GIS GIS : «Le bilan de Macky, en termes de dialogue, n’a pas d’actif »

Nous, au niveau de Bokk Gis Gis, nous n’avons jamais été officiellement saisis pour une quelconque rencontre avec la mouvance présidentielle ou le président de la République. Dans un régime normal de démocratie, les gens peuvent avoir des différences d’opinons et d’idéologies mais pour l’intérêt supérieur de la Nation, toutes les franges et composantes de la Nation doivent se rencontrer souvent pour échanger et harmoniser sur des questions d’ordre national….Mais, nous n’avons jamais été conviés à une quelconque rencontre avec le président de la République, sinon à la rencontre de l’Acte III, alors que les dés étaient déjà jetés. Ils avaient déjà fait passer le projet à l’Assemblée nationale et ils appellent les partis à la dernière minute pour dire qu’on vous convie à une rencontre…Même avant le référendum, tout le monde pensait qu’il y avait besoin de dialogue. Le dialogue était sur les points essentiels de la démocratie. C’était sur des questions d’ordre supranational, et qui intéressent toute la Nation. Parce qu’en vérité, si on prend secteur par secteur, il y a des blocages, que ce soit au niveau de l’éducation, de la démocratie, la minorité ne parvient pas à s’exprimer. Et ça, ce sont des acquis, des droits. Nous, en tant que minorité, nous n’accepterons jamais que nos droits continuent à être bafoués, qu’on nous prive de nos droits les plus essentiels. Sur les questions de la démocratie et d’ordre social, je crois qu’il n’y a pas de dialogue. C’est en fait des portes ouvertes à toutes sortes de dérives, de résistance, et de difficultés de mise en œuvre des politiques publiques du gouvernement. Je pense qu’il faudrait un dialogue sincère qui inclurait, au delà des partis politiques, toutes les couches sociales. Il y a une crise latente au Sénégal. Si je devais noter le président Macky Sall sur son bilan concernant le dialogue, j’allais lui donner 2/20.

Sud Quotidien

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