Aby Ndour : « Macky ne sera pas notre candidat… »

Elle est presque aphone depuis un bon bout de temps. Ce qui ne signifie pas que la chanteuse Aby Ndour n’a pas de choses à dire. Approchée par EnQuête, elle expose ses nouveaux projets qui occupent actuellement le plus clair de son temps. En effet, elle compte lancer un mouvement qu’elle dit apolitique et qui veut unir et faire travailler les femmes. Socialiste convaincue, le supposé duel entre Khalifa Sall et Tanor Dieng ne la laisse pas indifférente. De même que l’incarcération de son idole Thione Balago Seck.

Entretien.

Vous vous faites rare depuis un certain temps. Aby Ndour se cache où ?

Je ne me cache pas. Je reste juste dans mon coin à travailler discrètement. Je suis dans beaucoup de choses. Je travaille sur un album qui va sortir bientôt.

Il paraît que vous êtes aussi en train de créer un mouvement ?

C’est vrai. Je travaille actuellement sur la mise en place d’un mouvement de femmes qui va s’appeler ‘’gnoun djiguen gni’’. Ce mouvement est né pour les femmes du Sénégal en particulier et du monde en général. Les femmes n’ont pas beaucoup de moyens et on ne leur donne pas la place qu’elles méritent. On nous relègue souvent au second plan. Je me suis inspirée de mon propre vécu pour me dire que les femmes ont besoin d’être soutenues et aidées. Je me dis que je ne suis pas la seule femme qui rencontre des problèmes et a des difficultés dans la vie. Il doit exister des milliers ou des millions d’Aby Ndour ici qui ont besoin d’être écoutées, d’être en sécurité, d’être assistées, etc. et qui ne l’ont pas. Moi, je veux utiliser cette notoriété dont Dieu m’a gratifié pour porter la voix des femmes qui en ont besoin. C’est vrai qu’il y a des organismes ou des femmes qui le font déjà. Mais je me dis que si nous toutes nous nous y mettons, le combat sera plus efficient et plus efficace.

Dans ce mouvement, on compte des femmes au foyer, des vendeuses de cacahuètes, des vendeuses de poissons, des paysannes, des juristes, des journalistes, des chanteuses, des femmes qui sont dans la politique, des directrices de société, etc. On compte aussi des cellules ici au Sénégal dans les régions et on a des cellules dans la diaspora. Toutes les femmes de toutes catégories professionnelles confondues sont invitées à nous rejoindre dans ce mouvement. On invite également ces femmes qui n’ont aucune activité économique à venir nous rejoindre afin qu’on les aide dans la formation. Il y a un adage wolof qui enseigne ‘’qu’au lieu de donner du poisson à quelqu’un chaque jour, mieux vaut lui apprendre à pêcher’’. Ainsi, il pourra avoir de quoi se nourrir.

Pourquoi créer ce mouvement au moment où des élections se déclinent à l’horizon ?

Ce n’est pas aujourd’hui que j’ai commencé à travaillé sur les questions de soutien aux femmes. Dans mes ateliers, j’aide des filles à se former à la couture. Il m’est arrivé, plusieurs fois, de le faire. Le premier défilé de mode que j’ai organisé au Sénégal, c’était pour rendre hommage à Soxna Diarra Bousso. J’ai voulu par la même occasion aussi rendre hommage aux femmes journalistes de ce pays. Je trouve qu’elles sont courageuses et ont du mérite. C’est depuis ce défilé d’ailleurs que j’ai noué des relations assez spéciales avec les journalistes femmes. Mon engagement s’explique par le fait qu’on parle de plus en plus du maintien des filles à l’école, de la maltraitance des enfants, de l’excision, des cas de viols, des problèmes d’état-civil, etc. Je lutte depuis longtemps contre toutes ces choses. On m’a toujours reproché de le faire en douce.

Mais je trouvais que quand on fait du bien sans rien attendre en retour, on n’a  pas besoin de leur dire tout haut. C’est pour étendre les choses et toucher le plus de monde qu’on a décidé de rendre officiel tout ce que l’on faisait. Je veux que les femmes s’entraident et que des femmes qui ont un travail et une situation économique stable puissent aider celles qui n’en ont pas. Je veux aussi qu’on se batte pour l’amélioration et une meilleure prise en compte des droits des filles et des femmes.

Vous êtes une militante du Parti socialiste, ce mouvement n’est-il pas né pour attirer de nouveaux suffrages ?

C’est pour le développement de la femme qu’est né ce mouvement. On n’est pas là pour supporter un quelconque parti politique. Il faut vraiment que les choses soient claires une bonne fois pour toutes, car c’est la première fois que je parle officiellement de ce mouvement. Mais je veux que tout le monde sache et retienne que ce mouvement n’a rien à voir avec le parti socialiste même si je suis socialiste. C’est un mouvement de femmes, par les femmes et pour les femmes. Ce mouvement-là veut avoir des membres socialistes, ‘’apéristes’’, progressistes, libérales, ‘’rewmistes’’, etc. On y invite toutes les femmes quelles que soient leur appartenance politique. Nous invitons même les femmes qui sont déjà dans des mouvements similaires au nôtre pour un partage d’expériences. Nous, nous avons déjà commencé le travail. Nous essayons d’aider les femmes du mieux que nous pouvons. Nous essayons juste de nous consolider. On appelle tout le monde. Que tous ceux qui se sentent capables de nous aider un tant soit peu viennent le faire.

Comment comptez-vous financer les femmes ou aider les filles à se faire former ?

La première chose sera que chaque membre essaie d’avoir sa carte avec un numéro d’identification. On veut même la rendre disponible sur internet. Après, il sera demandé une cotisation symbolique de 500 F. Je vais utiliser mes relations pour trouver des financements et contacter aussi des organismes qui s’intéressent aux questions que nous traitons. On a beaucoup de promesses de financements. Et nous ne nous arrêterons pas aux financements. On s’engagera sur toutes les questions liées à la femme.

Quelle est la différence entre ‘’gnoun djiguen gni’’ et les autres mouvements de femmes qui existent ?

Je pense déjà que le nom est inédit. Ce qui nous différencie aussi de beaucoup mouvements, c’est que le nôtre est apolitique. On veut mettre toutes les femmes au même pied. La vendeuse de cacahuètes discutera et sa voix vaudra autant que celle de la magistrate à ‘’gnoun djiguen gni’’. Dans ce mouvement aussi, on s’occupe de la protection de la fille à la sécurité de la mère. On ne se mesure à personne et on ne se considère pas aussi être dans un environnement de concurrence. On veut juste travailler avec tout le monde pour que les femmes s’épanouissent mieux.

Vous êtes restée longtemps absente du marché du disque. Pourquoi ce long silence ?

Les choses ont toujours été comme ça avec moi. Quand je sors un album, j’attends 5 ou 6 ans avant d’en sortir un autre. Mon dernier album, je l’ai sorti en 2011, cela fera 5 ans au mois de mars 2016. Le plus important pour moi n’est pas la durée qu’il y a entre la sortie de mes albums mais le résultat à la fin. Il n’y a qu’au Sénégal qu’on voit des artistes sortir des albums tous les ans. Cela, on le comprend parce qu’il faut aussi que l’artiste vive. Moi j’ai la chance d’avoir mon atelier de couture donc, je peux me permettre de travailler longuement mes productions. Et un album, quand son contenu est bon, il peut être consommé pendant un bon bout de temps. Mais rassurez-vous, je suis en train de travailler sur la sortie de mon prochain album.

Qu’est-ce qu’il y aura de nouveau dans cet album ?

On a essayé de travailler les textes d’une manière nouvelle. Je m’intéresse aussi à des sujets d’actualité comme l’utilisation des réseaux sociaux. On attire l’attention des enfants et des parents sur cela. On leur dit que cela peut-être bien comme elle peut aussi être dangereuse. Donc, il faut que les parents soient vigilants. Je parle également dans l’une des chansons à venir de la condition de la femme. Je parle de la femme chef de famille et modèle d’éducatrice. Il est prévu d’intégrer dans cet album un duo que j’ai fait avec Ndongo D de ‘’Daara J family’’. J’ai aussi chanté la paix dans ce nouvel album. Le peuple a besoin de sécurité donc de paix. On a beaucoup d’idées à développer dans cet album et vous les découvrirez incha Allah.

Que pensez-vous du débat en cours actuellement au Parti socialiste et concernant l’urgence du choix d’un candidat à la  prochaine présidentielle ?

Ce débat est posé par les Sénégalais. Il n’y a pas un seul socialiste qui est sorti pour en parler. Quand je dis cela, je pense à Ousmane Tanor Dieng et à Khalifa Sall. Parce qu’il faut le dire, le débat tourne autour d’eux. Aucun des deux n’a posé véritablement le débat officiellement. Nous, nous ne sommes que des militants même si nous sommes tous des camarades de parti. Je suis socialiste et je suis camarade de parti d’Ousmane Tanor Dieng et de Khalifa Sall, de Wilane, de Barthélémy Dias, bref, de tout le monde. Maintenant, on se rangera derrière celui que le parti aura choisi. Je ne suis pas ‘’tanoriste’’. Je ne suis pas ‘’pro-khalifa’’ non plus. Je suis socialiste tout court. Je sais que quand on choisira quelqu’un, il y aura beaucoup de bruit.

Mais quel que soit alpha, on aura un candidat. Le Ps est un grand parti. Moi, quand je suis née, j’ai trouvé ici ce parti. Ma famille y militait déjà. Moi, je suis née socialiste. Mon père et ma mère sont des socialistes. Ma mère me raconte souvent des choses qui se sont passées dans ce parti quand Senghor et Lamine Guèye vivaient encore. Il paraît même que chez mon grand-père Boubacar, il y avait un bureau du parti socialiste. C’est pour cela peut-être que je suis socialiste au-delà du fait que j’aime la philosophie et le système socialistes. Il n’y a pas longtemps, j’étais à Saint-Louis avec le Président Diouf. Il y inaugurait l’école primaire où il a fait ses études.

Certains disent que votre candidat pourrait être Macky Sall. Êtes-vous prête à vous ranger et à battre campagne pour lui ?

Non, je n’ai pas de problèmes par rapport à cela. Comme je vous l’ai dit, moi je suis socialiste. Et si les socialistes choisissent un candidat je le soutiendrai. S’ils disent que c’est Macky Sall, je vais battre campagne pour lui et je lui composerai une très belle chanson. Seulement, il ne sera pas notre candidat. Du moins, en ce moment précis, il n’est pas notre candidat. Comprenez que quand je dis que je vais battre campagne pour lui, c’est dans la logique de ce que supposent beaucoup de gens. Ces derniers pensent que Macky Sall va être le candidat du Ps et moi je suppose que je devrais le soutenir dans ce cas.

Vous êtes comptables de la gestion de Macky Sall si vous avez un candidat différent de lui, quels seront vos arguments de campagne ?

On a gagné ensemble et on a continué à travailler ensemble. C’est comme un contrat qui nous lie. Maintenant, à la fin du contrat chacun doit prendre ses responsabilités. Des arguments de campagne, ce n’est pas ce qui va nous manquer. On a tellement de choses à dire. Mais on ne les dira en aucun cas maintenant. Pour moi, on ne peut rien reprocher à Macky Sall. Même si je suis d’accord que la vie est difficile actuellement.

Mais il a des idées. C’est possible qu’il n’y ait pas d’élections en 2017. Je crois qu’on doit lui donner le temps de terminer ce qu’il a entamé. Après seulement, on pourra juger. C’est Dieu qui donne le pouvoir. En 2012, beaucoup de gens ne pensaient pas que Macky Sall gagnerait la présidentielle. C’est lui que Dieu a choisi. Il est mon Président et il est un homme simple, humble, accessible et cool. Cependant, je ne fais pas partie de son parti politique. Je suis socialiste et je ne l’échangerai contre rien du tout. On doit respecter notre Président tout de même parce que c’est nous qui l’avons élu aussi.

Les artistes pourront bientôt, sur promesse du Président Sall, bénéficier de plus de redevances grâce à la Sodav. Qu’en pensez-vous ?

On rendra grâce à Dieu si la demande d’agrément de la Sodav trouvait une suite favorable. Beaucoup d’acteurs culturels avertis ont travaillé sur ce projet de nouvelle société de gestion. Ils ont fait ce qu’ils avaient à faire. Maintenant, comme le Président a reçu des acteurs culturels et a promis de le faire, on prie pour que cela se fasse. Parce qu’on en a besoin.

Comment vivez-vous l’incarcération de Thione Seck ?

(Gaie jusque-là, elle baisse la tête et marque une pause). Il y a des choses qui relèvent de la volonté divine. Nul ne peut échapper à son destin. Moi, je vais au Cap-Manuel le voir sans publicité. Je ne veux même pas en parler. Je me dis qu’il est en train de traverser  une épreuve qui ne sera qu’un souvenir plus tard. Je pense à lui et à sa famille et ils savent qu’ils ont mon soutien. Quand on est avec Thione, il est à l’aise. Avec lui, c’est le visiteur qui stresse pour lui mais Thione rassure et discute même avec ses visiteurs. C’est la foi qui lui permet d’être comme ça. Cette incarcération, je la vis comme la vivent la majorité des  Sénégalais.  Je continue de le soutenir et de prier pour lui.

BIGUE Bob – Enquête 

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