Situation politique – Recentrage (Par Samboudian KAMARA)

Le labeur tourné vers l’avenir et le solde des comptes du passé s’affrontent. L’avenir, ce sont les grands chantiers dans la presqu’île du Cap-Vert, l’Education des jeunes et la recherche de leur épanouissement à travers le plein emploi, le Train express régional de Dakar, Diamniadio ville-nouvelle, la planification à l’horizon 2035, un transport public humanisé, l’assainissement du cadre de vie, la sécurité…

Le solde des comptes du passé, c’est le tournis des milliards. C’est le Protocole de Rebeuss. C’est la vidange des mécaniques du « tong tong » autour de l’argent public.

En appelant cette semaine à Pikine à un recentrage sur l’essentiel, le président de la République s’est inscrit dans une logique de refus de la permanence du fait-divers financier, qui était l’une des marques de fabrique du régime libéral. Refus de céder aux bâtisseurs de l’improbable pays de Cocagne que certains acteurs voudraient faire du Sénégal. Pays où la position de pouvoir politique confèrerait à son attributaire des espaces de non-droit pouvant lui permettre de dérouler des stratégies d’enrichissement personnel.

Pays où l’allocation de la confiance populaire à travers le suffrage universel serait détournée, avec la conviction que l’impunité immunisera l’entreprise à travers les canons bien connus de la popularité, de la proximité avec les puissants. Avec, très souvent, la « médiasphère » qui anesthésie et détourne de l’essentiel, amuse et déconcentre, transformant l’accusé en procureur, le plaignant en coupable, sous les yeux médusés de la principale victime, ce bon peuple pour qui tout le monde dit pourtant travailler. Voilà où nous en étions.

Ensuite, il y a eu la position sans nuance dégagée par le chef de l’Etat en marge du dernier conseil des ministres. Exit donc les affaires politico-judiciaires, sans freiner un seul instant la dynamique de réédition des comptes ; exit aussi le climat de défiance et de mises au bûcher, surtout quand les personnes mises en cause ont occupé les plus éminentes fonctions politiques. Contre mauvaise fortune –c’est le cas de le dire ici-, il nous faudra faire bon cœur et « oublier » cet argent ; cet argent constitué par l’impôt des sénégalais ou alors par des dons de pays amis, mais dans tous les cas propriété des citoyens. Un Bémol cependant : le propre de l’Histoire est qu’elle est anti-oubli…

Les Sénégalais sont au moins d’accord sur une question : ils attendent plus d’idées innovantes et de propositions alternatives de leur classe politique que les scénarios de « braquage » d’un vieux chef d’Etat déroulés récemment à la face du monde, au grand dam de « la dignité nationale » et des poches des Sénégalais. Il fallait donc donner une meilleure image du pays, tourner la page des accusations et contre-accusations, dépolluer une atmosphère tendue et conflictuelle, pour résolument se tourner vers les chantiers.

Le dialogue national lancé le 28 mai dernier était venu à son heure. C’est un exercice, toujours en cours, de fertilisation de l’opinion pour obtenir un terreau propice à l’apaisement et au dégel ; propice à l’innovation et à la recherche. L’agenda de l’application des réformes introduites par la Constitution du 20 mars se déroule comme prévu, et rien sauf les combats autour de la demande sociale et du progrès ne doit mobiliser les énergies. Il y a tout un calendrier (très) chargé qui ne peut souffrir de conflits sans objet. Toutefois, l’ampleur des détresses humaines causées par une conjoncture hors normes, et des demandes sociales toutes aussi prégnantes, ne peuvent s’accommoder du pillage par certains, au vu et au su de tout le monde, des ressources publiques ou de situations de rente crées par des positions de pouvoir. C’est une sorte de « demande de pudeur » des gouvernés à l’endroit de leurs mandants…

L’équation n’est pas simple. Au-delà des issues inéluctables (rendre compte devant les hommes et devant Dieu) promises à tout ce qui a été, il y a un appel très fort à garder une distance prophylactique avec l’argent. C’est une nouvelle écologie de la politique.

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