Un scrutin, mille votes !

Les législatives du 30 juillet prochain risquent à tout le moins d’être un véritable chemin de croix pour les suffragants sénégalais. Des électeurs obligés qu’ils sont par la loi (Article L 98 du Code électoral) de prendre les bulletins de toutes les coalitions en lice, en l’occurrence 47, pour garantir le secret du vote avant de faire leur choix. Cette situation sans précédent est appelée, en toute logique, à poser des problèmes techniques, pratiques et organisationnels et à susciter inquiétudes et appréhensions parmi les électeurs, avec du coup un risque élevé d’abstentions volontaires ou forcées. Que faire alors pour faciliter le vote des électeurs ?

A la recherche de la panacée ou de la clé, l’on se confronte à mille et une propositions au sein de la classe politique et de la société civile. Bulletin unique à 12 pages, bulletin unique à 05 pages, isoloir fermé contenant toutes les listes de candidats, possibilité de sélectionner à sa guise 05 bulletins seulement avant d’opérer son choix dans l’isoloir…Et encore ! En tout état de cause, force est de constater que la proximité immédiate du scrutin requiert la diligence des acteurs impliqués dans le processus électoral. Des acteurs invités à dénicher un consensus pour trouver une solution et remédier à la disposition contraignante du Protocole de la Cedeao qui impose le consensus, six mois avant la tenue de tout scrutin, sur toute éventuelle modification des règles liées au processus électoral.

Interpellé par Sud Quotidien, Benoit Sambou de Bennoo Bokk Yaakaar souscrit à la nécessité pour la Commission électorale nationale autonome (Cena), le ministère de l’Intérieur et les partis politiques avec la société civile de se retrouver pour trouver de manière consensuelle un procédé. Tout le contraire cependant de Mamadou Diop Decroix de la Coalition gagnante Wattu Senegaal pour qui c’est à Macky Sall et à son gouvernement que revient le droit de proposer la solution. Eux qui ont financé « toutes ces listes pour créer la situation que nous constatons ». Quant à Mouhamadou Mactar Sourang, leader de l’Unp et tête de liste départementale de Manko Taxawu Senegaal à Mbacké, il est d’avis que la pléthore de listes ne posera pas de problème le jour du vote. Pour la simple raison que les 47 listes ne sont pas présentes dans tous les départements du Sénégal (par exemple, une vingtaine seulement l’est à Dakar). Avant de certifier que « le problème de fond qui mérite débat est la disponibilité de la carte électorale, avec une opposition qui a été exclue du processus électoral ».

BENOÎT SAMBOU, CHARGÉ DES ÉLECTIONS À L’APR ET PLENIPOTENTIAIRE DE BENNOO BOKK YAAKAAR : «Si les choses sont bien organisées, l’électeur ne passera pas plus…»

Il faut que les gens se rassurent et évitent d’installer une psychose dans la tête des populations et des électeurs. Dans tous les cas, le vote se déroulera dans de bonnes conditions parce que même si on doit prendre toutes les listes, si les choses sont bien organisées, l’électeur ne passera pas plus de 3 voire 4 minutes dans le bureau de vote. N’empêche, il serait bien que nous, acteurs politiques, travaillons à prendre des dispositions pour permettre que le vote aille encore plus vite. Pour cela, il faudrait une large discussion de la classe politique.

La société civile nous a déjà devancés en prenant des initiatives pour faire des réflexions. Il serait bien qu’au-delà de cette entreprise de la société civile, la Commission électorale nationale autonome (Cena), le ministère de l’Intérieur et les partis politiques avec la société civile se retrouvent pour trouver de manière consensuelle un procédé. Car, même si la loi exige que l’électeur prenne tous les bulletins, il est possible de faire autrement s’il y a un consensus. Les solutions pour rendre le vote rapide peuvent être toujours trouvées, l’essentiel est que les acteurs puissent avoir un échange inclusif avec tous les participants au processus électoral. Maintenant, s’agissant de la question du bulletin unique, je pense qu’il est trop tard parce que les commandes sont lancées et les imprimeurs sont en train d’exécuter la production des bulletins. Cette question est donc dépassée pour cette élection.

MAMADOU DIOP DECROIX DE LA COALITION GAGNANTE WATTU SENEGAAL : «Le régime n’a qu’à retirer toutes les listes qu’il a sponsorisées»

Nous avons rien à dire au sujet de l’inflation des listes pour les législatives et des difficultés qui pourraient nécessairement accompagner le vote. C’est au régime en place de se prononcer parce que c’est bien le président Macky Sall et son gouvernement qui ont financé toutes ces listes pour créer la situation que nous constatons. Ils l’ont fait de façon délibérée pour des raisons qu’eux seuls connaissent. Aujourd’hui, c’est à eux que revient le droit de nous proposer la solution. Et, s’ils veulent vraiment alléger les conditions du vote, ils n’ont qu’à retirer toutes les listes qu’ils ont sponsorisées.La société civile devait commencer d’abord par dénoncer cette situation avant de nous parler des solutions parce que ce régime n’est pas à son premier coup d’essai. On se rappelle encore quand Abdoulaye Daouda Diallo a inventé une quatrième composante à la commission technique de revue du code électoral en mettant des politiques et en les appelant les «indépendants» alors que ces gens ont leur récépissé de partis politiques. Ils n’ont qu’à continuer, le peuple les observe.

MOUHAMADOU MACTAR SOURANG, LEADER DE L’UNP, TÊTE DE LISTE DÉPARTEMENTALE DE MANKO TAXAWU SENEGAAL À MBACKÉ : «Le problème de fond qui mérite débat, c’est la disponibilité de la carte électorale»

Moi, je ne partage pas la même lecture que certains acteurs de la société civile et politiques au sujet des 47 listes en compétition pour les législatives. Les gens parlent comme si toutes les listes seront en compétition dans les 45 départements du pays alors que tel n’est pas le cas. Ce qu’il faut comprendre, c’est que chaque liste a ciblé un certain nombre de départements et en réalité, il y a que trois grandes coalitions qui seront présentes dans tous les départements. Donc, on n’aura pas, le jour du vote, 47 listes dans tous les bureaux de vote des 45 départements.

À Dakar par exemple, on aura seulement une vingtaine de listes sur les 47 en compétition. Ailleurs, ce sera une dizaine ou moins. À mon avis, les élections locales où on avait des centaines de listes étaient plus difficiles à organiser et pourtant elles se sont déroulées sans problèmes tout simplement parce qu’on n’avait pas dans chaque localité le même nombre de candidats.

Donc, pour moi, techniquement, les 47 listes ne poseront pas de problème le jour du vote. Les gens cherchent seulement à détourner l’opinion de la vraie question de ces élections qui est celle de la production et la distribution de la carte d’identité couplée à la carte d’électeur. Beaucoup de citoyens risquent de ne pas prendre part à ces élections, faute d’obtenir leur carte d’électeur. Je pense que le vrai problème de fond qui mérite débat, c’est la disponibilité de la carte électorale. L’opposition a été exclue du processus électoral et à l’heure où je vous parle, personne de l’opposition ne peut vous dire le nombre de cartes confectionnées et distribuées.

  • Sud Quotidien
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