Théâtre – La ruée vers la production de séries et feuilletons

“Coumba Ndar, Samba Ndar”, “Coumba amndèye”, “Un Dg peut en cacher un autre”, en voilà des titres de téléfilms qui ont alimenté les débats dans lesmarchés et les transports en commun, ilya un peu plus de 20 ans. Aujourd’hui, on parle du romantisme de Jojo et de la grossesse de Soumboulou, de la rivalité entre Eva et Marichou, du “mbaraan” de Maïmouna et de Daro ou des folies de Chérif dans “Idoles”. Tous sont des vedettes de séries télévisées.

Dans les années 1990, les mardis soir étaient de grands moments pour réunir toute la famille devant le petit écran. C’étaient les jours de diffusion des téléfilms sur la radiodiffusion télévision sénégalaise (RTS).

De manière régulière, étaient proposées des créations de“Daaray Kocc”, “Diamoney Tey” et “Bara Yëggo”. Au début des années 2000, celles de troupes comme “Janxeen” de Thiès ou encore“Soleil Levant”ont repris le flambeau. Aujourd’hui, le rendez-vous tient encore.Mais,il n’est plus aussi attendu. On ne fait passer que d’anciens téléfilms, au grand bonheur des nostalgiques.Qui ne se sont pas encore habitués aux séries ou feuilletons. Chaque chaîne de télévision locale en diffuse au moins trois. De “Wiri wiri”, dont on dit qu’il est le  feuilleton le plus populaire, à “Ndary Baba” ou encore “Pod et Marichou” en passant par “Dinama neex”, on en voit un peu de tout. Au Sénégal, on les appelle tous “séries”,même s’ils ne le sont pas tous.

En effet, d’après un article du Figaro, “le feuilleton s’apparente à une fiction dont les épisodes se suivent et ne peuvent se voir indépendamment les uns des autres.C’est-à-dire qu’il est impossible de saisir l’intrigue de ce programme, si l’on ne suit pas chaque épisode”. De plus, ajoute-t-on, “le programme s’étend généralement sur de nombreuses saisons qui peuvent donner l’impression d’une intrigue interminable”. “Wiri-Wiri” en est une belle illustration.La série,quant à elle, est certes proche du feuilleton, “dans le mesure où elle dispose de personnages récurrents tout au long des épisodes. Mais,  sa grande différence réside dans son intrigue. Chaque épisode a un début et une fin, indépendant des épisodes  précédents”. Quoi qu’il en soit, ces films de 30 minutes, au maximum, ont supplanté les téléfilms. La production de séries, un business rentable Chose tout à fait normale, apprécie le comédien, metteur en scène et professeurs à l’école nationale des arts, Ibrahima Mbaye Sopé. “Les gens n’ont plus le temps de rester pendant des heures devant le petit écran à regarder une pièce”,explique-t-il. C’est pour cela, selon également le comédien Leyti Fall, que les scénario sont aujourd’hui rallongés et les temps de diffusions diminués.

Mais, ce n’est pas que cela. La production d’une série est beaucoup plus rentable. Dans un entretien accordé à EnQuête, le comédien Cheikhou Guèye dit Saa Neex disait : “Il est beaucoup plus facile de gagner de l’argent avec les séries qu’avec les télé films. On peut, par exemple, dépenser 5 millions pour faire une pièce. Après, on y gagne à peine un million à cause de la piraterie. Alors qu’avec la série, on peut avoir 15 ou 20 millions.” En outre, les CD ne se vendent plus bien.

A cela s’ajoutent les gains. “La production de séries est devenue un business. Pour les téléfilms du mardi, c’était une pièce d’une heure avec un seul sponsor. Maintenant, avec une série télévisée, ils ont gagné en maturité, en marketing. Je donne l’exemple de ‘Wiri Wiri’ qui a plus d’une dizaine de sponsors. Les comédiens et le producteur gagnent en temps et en argent, même si les télés prennent 60 ou 75%”, analyse Ibrahima Mbaye Sopé. “On préfère signer 50 épisodes, chercher des sponsors et vivre mieux”, reconnaît Leyti Fall de son côté. “Tu fais un tournage pendant un mois, tu as de quoi vivre pendant au moins 3 mois. Il y a des gens qui sont payés au jour le jour. Il y en a qui sont payés par mois. D’une manière ou d’une autre, on y gagne beaucoup plus, parce que derrière, il ya un sponsoring”, informe Sopé.

Si ailleurs ce sont des noms de grands acteurs qui attirent les sponsors, ici,  c’est plutôt l’audience. Une audience que ne peut garantir la notoriété du comédien, même si on donne une grande place de plus en plus au casting. Dans presque tout ce que les télévisions proposent dans ce genre, les hommes sont beaux et romantiques; les filles sont des modèles de beauté. Le jeu d’acteur n’est pas souvent des meilleurs, mais certains n’y prêtent pas attention. “Dans Wiri wiri, on sent nettement la différence dans l’interprétation du personnage du commissaire par Ibrahima Sopé. C’est bien mieux que les autres”,assure un doyen du quatrième art. Pourtant, l’essentiel de ceux qui jouent dans cette pièce viennent des planches. Un passage obligé, selon le réalisateur de “Dinama nex”, Leuz. “A mon avis, ceux qui sont passés par le théâtre interprètent mieux les rôles qu’on leur donne”,fait-il savoir. Le producteur Omar Sall de Ciné kap confirme les propos de Leuz : “Celui qui fait du cinéma a besoin de celui qui fait du théâtre.” Modèle économique problématique.

En outre, si actuellement les comédiens n’ont d’autres choix que de s’accrocher aux sponsors, le modèle économique pose problème. Ce dernier est consécutif au manque de structuration de ce milieu. “On ne peut pas faire du théâtre sans producteur. C’est impossible”,insiste Omar Sall. Il ne parle pas des amateurs. “Etre producteur est un métier. On ne peut pas s’improviser producteur”, explicite-t-il.“Pour lui, c’est au producteur d’aller voir les dirigeants des chaînes de télévision pour leur proposer ses produits. C’est aux télévisions d’aider les troupes théâtrales.“Soit la télé préachète, avec une garantie de l’investissement”. C’est-à-dire que, par exemple, dans la série qu’on lui  propose, il y a des gens brillants dont la participation présage le succès de la création. Soit “elle coproduit ou elle fait une acquisition.” Avoir un producteur leur permettrait également d’avoir une prise en charge sociale.

EnQuete

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