Rencontre avortée entre le Sénégal et la Gambie : Les Dessous du Faux bond de Banjul

Une rencontre entre les autorités sénégalaises et gambiennes pour décrisper la tension entre les deux pays devrait se tenir à Dakar hier, mercredi 30 mars, à la demande la Gambie. Soit plus d’un mois et demi après le blocus imposé aux frontières entre les deux Etats. Plusieurs points devraient être à l’ordre du jour de ce conclave dont la traversée des frontières, les taxes sur les gros porteurs, les licences de pêche, etc. Même si la partie gambienne a fait faux bond, le Sénégal, furieux de la plainte de Banjul (contre Dakar) auprès de la CEDEAO par rapport au ce blocus, a annulé la réunion, exigeant au préalable le retrait de la lettre.

La levée du blocus aux frontières et de la transgambienne peut attendre encore. La réunion secrète convoquée à Dakar pour statuer sur la question, en plus d’autres sujets entamant la coopération entre le Sénégal et la Gambie, à la demande de Banjul, a avorté. Selon nos confrères de la Radio futures médias (Rfm) qui en ont fait écho hier, le Sénégal a annulé la rencontre au dernier moment parce que non content de la plainte de la Gambie (contre lui), auprès de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). Banjul voit à travers le maintien de la fermeture des frontières une «volonté» de Dakar de l’asphyxier économiquement.

En effet, après l’augmentation des taxes sur les gros porteurs, suivie du blocus aux frontières effectif depuis le 18 février 2016, la Gambie a sollicité une rencontre avec le Sénégal pour évacuer le différend. Ce que Dakar a accepté tout en posant des conditions. Le président Macky Sall qui a accédé à la demande de son homologue, Yahya Jammeh, a exigé que les discutions portent sur tous les sujets de coopération à problème entre les deux pays notamment, la traversée des frontières, les taxes sur les gros porteurs, les licences de pêche pour les pécheurs sénégalais qui exercent dans les eaux gambiennes, entre autres. Quid de l’affaire Baye Modou Fall alias «Boy Djiné» qui a été arrêté puis libéré en Gambie suite à son évasion de la prison de Diourbel, la demande d’extradition formulée par les autorités sénégalaises étant restée sans suite ?

«Marché» conclu, le Sénégal a organisé cette retrouvaille qui devait se tenir hier, jeudi 31 mars, au King Fahd Palace, à Dakar. Et la Gambie avait arrêté sa délégation composée de 30 personnes dont 5 ministres, 10 directeurs de cabinets et leurs accompagnants, révèlent nos confrères de la Rfm. C’est après que le Sénégal a été informé que la Gambie a porté plainte contre lui auprès de la CEDEAO, motivant cette saisine par le fait que Dakar est en train d’asphyxier Banjul. Ce à travers le blocus imposé aux frontières qui serait à l’origine de problèmes d’énergie entrainant des coupures d’électricité (la Gambie se ravitaillant à partir du Sénégal), des ruptures de médicaments. Aussi, des marchandises et autres denrées commencent à manquer, une situation difficile que ce pays traverse et imputée au blocus.

BANJUL SAISIT LA CEDEAO, DAKAR SE BRAQUE

Suffisant pour que le Sénégal décide de sursoir à cette rencontre, exigeant de la Gambie le retrait de sa plainte, un préalable à toute discussion. Seulement, entre temps, la partie gambienne, ayant eu vent que Dakar est courant de la lettre de protestation déposée auprès de la CEDEAO, a appelé la veille, mercredi 30 mars, pour renoncer à prendre part au conclave (de Dakar) au motif que le président Jammeh a convoqué une session parlementaire d’urgence à l’Assemblée nationale à Banjul.

Pour des observateurs avertis, il n’y a rien de surprenant dans cette attitude des autorités gambiennes, avec à leur tête le président Yahya Jammeh. Le Sénégal aussi n’est pas exempt de reproche. Le mutisme de Dakar depuis le blocus, par des syndicats et groupements de transporteurs, n’est pas du goût de Banjul qui se désole qu’aucune voix officielle du Sénégal ne se soit prononcée sur la question en son temps.

Pourtant, en Conseil des ministres, le mercredi 23 mars dernier, le chef de l’Etat, Macky Sall, avait engagé son gouvernement «à entamer, dans les meilleurs délais, des concertations régulières avec tous les acteurs du transport et à poursuivre le dialogue fécond avec le gouvernement du pays frère de la Gambie, en vue de trouver des solutions durables pour assurer la continuité permanente de la desserte terrestre de la région naturelle de Casamance».

BOYCOTT DES FRONTIRES ET DE LA TRANSGAMBIENNE : Retour sur les origines d’un blocus

En février dernier, les autorités de Banjul ont décidé, de manière unilatérale, de revoir à la hausse la taxe douanière versée par tonne de marchandises par les camions sénégalais en transit en Gambie. Celle-ci est passée à 400.000 F CFA, soit 28.000 dalasis (monnaie gambienne) alors ce, quel que soit le tonnage. Or, avant cette mesure, la taxe par tonne, pour les produits autres que le ciment et le fer, était de 3000 F Cfa. Seuls le ciment et le fer étaient facturés à 4000 F Cfa, la tonne. Déterminés à ne pas avaler cette «pilule», des syndicats et regroupements de transporteurs sénégalais ont décrété le boycott de la transgambienne.

Mieux, pour que le blocus, jusqu’à nouvel ordre, en gestation depuis le lundi 15 février 2016 déjà à Karang fasse effet, les transporteurs sénégalais ont «décidé» de la fermeture des frontières entre les deux Etats, désormais effective depuis le jeudi 18 février dernier. La veille, mercredi 17 février, les transporteurs de Karang, dans la région de Fatick et plusieurs autres syndicats de transport du Sénégal, avaient convenu de bloquer, jusqu’à nouvel ordre, l’entrée au Sénégal de tout véhicule gambien pour protester contre la décision de Banjul.

De là à voir à travers les humeurs de Yahya Jammeh une volonté de Banjul de retarder au maximum la construction du pont de la CEDEAO de Farafenni pour la fluidité et la libre circulation des personnes et des biens entre les deux pays, il y a un pas que certains n’hésitent pas à franchir. En effet, cet ouvrage (devant mesurer 942 mètres) dont la cérémonie de pose de la première pierre a été coprésidé en grande pompe, le vendredi 20 février 2015, par la Vice-présidente de la Gambie Isatou Njie-Saidy, et le Premier du Sénégal, Mahammed Boun Abdallah Dionne, devrait engloutir 53,7 milliards de F Cfa. Financé par la Banque africaine de développement (BAD), les travaux devraient, en principe, durer 5 ans (2012-2017) et les entreprises déjà choisies. Ce financement a été approuvé en 2011, par le Conseil d’administration de la BAD.

D’où la nécessité pour le Sénégal de travailler à se doter d’une véritable route de contournement (à élever au rang de priorité) pour rallier la Casamance afin de garantir la continuité du territoire par terre, mer (avec les trois bateaux en service) et air. Ce qui contribuera à «ressusciter» les économies des localités traversées, notamment les villes et communes carrefours et les escales entre Dakar et Ziguinchor. D’ailleurs, cette voie de contournement est tout à l’avantage du Sénégal. Car, en plus d’un désenclavent des régions Sud (Kolda, Sédhiou et Ziguinchor), elle contribuera à booster l’économie des localités le long de son tracé, notamment les escales de Kaolack, Kaffrine, Koungueul, Tambacounda, Manda Douane, Diaoubé, Vélingara, Kolda, Madina Wandifa, Tanaff, etc. Il y va également de la préservation des devises par les populations sénégalaises elles-mêmes, sans compter le confort des passagers dans leur pays. Alors, que les autorités arrêtent de se leurrer en misant sur la transgambienne pour cette continuité territoriale tant attendue depuis l’indépendance du Sénégal.

Sud Quotidien

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