Les Mairies se frottent les mains, les populations trinquent

Depuis quelques temps, les foires sont visibles un peu partout à Dakar. La pratique prend de l’ampleur et, est devenue une source de revenus considérables pour les municipalités accablées par les nombreuses charges instituées par l’acte III de la décentralisation. Cependant, ces foires organisées souvent dans des espaces restreintes et proches des lieux d’habitation, causent des ennuis aux populations. Au marché Hlm, les habitants se plaignent des désagréments causés par la forte présence des marchands surtout en cette période des préparatifs de la Tabaski.Foire-Sénégal

Marché Hlm, en cette veille de Tabaski, à ses heures de grande affluence. Débarrassé de ses ambulants, il y a quelques semaines, il a renoué avec le bruit. Une foire installée sur les lieux a accentué la fréquentation du marché. De très loin, l’on entend divers sons qui s’échappent des hauts parleurs dispersés ça et là. Bien qu’il reste des jours, avant la célébration de la fête de la Tabaski, visiter le marché Hlm est d’ores et déjà un vrai casse-tête. La chaleur suffocante en cette période hivernale, les embouteillages, les crissements de pneus mêlés aux nombreux coups de klaxons des automobilistes intolérants, donnent envie à la clientèle de rebrousser chemin. Des sons indéchiffrables à cause d’un volume ajusté à son niveau maximal et les nombreux hauts parleurs distillant chacun une musique différente de l’autre, rendent la situation beaucoup plus compliquée. Presque dans tous les marchés actuellement, c’est la situation.

L’éventaire, ce commerce fourre-tout déformé et appelé chez nous, «wentaire» accueille les curieux. Il est l’occasion pour les commerçants de vider les produits qui ont longtemps séjourné dans les boutiques faute d’acheteur. Au marché Hlm, la mairie a profité de l’approche de la Tabaski pour louer une partie du marché à un promoteur privé. C’est à ce dernier qu’est revenu la charge d’aménager et de louer les places. Le prix de cessation n’est pas à la portée de toutes les bourses. «J’ai payé 550.000 f Cfa avant d’installer mes bagages », dit un jeune homme, vendeur de sacs pour femme. Les places sont cédées en fonction de leur étendue, leur proximité avec la route principale qui traverse le marché. «Plus on est proche de la route, plus le coût est élevé», poursuit notre interlocuteur.

Trouvé dans une place qu’il partage avec deux de ses collègues, Baye Modou, un vendeur de chaussures décrie la cherté de la location. «Nous avons payé au total, mes amis et moi, 950.000 f Cfa », dit-il. Leur lieu de vente se situe en face de la route et de surcroit à l’angle de la ruelle, précise-t-il, en guise de justification du prix de la location. Le bail entre le promoteur et les commerçants est d’un mois. Les prix de location ne sont pas identiques. Ceux dont les étals se trouvent à l’intérieur de la foire payent moins cher que les occupants des tentes au bord de la route. Depuis quelques temps, nombreuses sont les communes qui se sont mises dans le business.

Les foires sont partout. Dans le quartier huppé de Ngor, non loin des Almadies, la cité bourgeoise, une foire a été installée sur la route principale ces derniers mois. A Sicap liberté, les habitués du supermarché de l’avenue Bourguiba se sont familiarisés avec la foire très souvent installé devant le supermarché. Une place qui s’est engouffrée dans la même mouvance de commerce ces derniers temps, est les abords de l’hôpital Nabil Choucair. Ses ambulants chassés, l’on espérait un repos tranquille des personnes alitées et accueillies à Nabil Choucair. Hélas, le répit n’a duré que le temps d’une rose.

Le commerce a repris de plus belle. En plus des marchands ambulants qui ont installé de manière désorganisée leurs commerces, les tentes servant d’étals y sont visibles. A l’image des autres lieux d’échange, elle vibre à l’heure de la tabaski. Ici, le commerce à ses règles : l’ambiance pour attirer la clientèle, entre autres. Quand les lieux ne sont pas trop fréquentés, les commerçants songent à plier bagages après seulement 10 jours de présence. «Je vais quitter les lieux. Le commerce ne marche pas bien. J’ai payé 90.000 f Cfa au promoteur de la foire. Je suis ici depuis plus d’une semaine, les clients viennent au compte-gouttes.», soutient un jeune homme. Le contrat avec le promoteur est de 20 jours, mais ce vendeur de pantalon jean ne compte pas rester davantage. C’est la mairie et le promoteur qui ont trouvé leur compte en organisant cette foire, a-t-il ajouté. Fatou, une dame trouvée dans l’attente d’hypothétiques clients, n’a pas elle aussi épuisé son stock : « Je suis une habituée des foires. Mais cette fois-ci, le commerce n’a pas été florissant. Je ne pense même pas trouver le prix de location de la tente », dit-elle.

BRUITS, INSECURITE ET FORTE AFFLUENCE : Le quotidien pitoyable des riverains du marché Hlm

Comme chaque année, à l’approche de fêtes, le marché des hlm grouille de monde. Il est difficile pour les clients de se frayer un chemin. Le commerce est partout. Le peu d’espace restant est partagé entre les marchands ambulants qui trainent comme des tortues leurs marchandises. L’autre décor du marché se résume à ses nombreux étals et à la foire qui y est installée cette année. Les plus infortunés de cette forte fréquentation sont les riverains du marché. Leur vie plus ou moins calme après le déguerpissement des marchands ambulants est devenue en ces jours, très difficile. « La proximité des tentes avec nos maisons dérange notre quiétude. On arrive plus à dormir. Les vendeurs sont là de 8h du matin jusque tard dans la nuit. D’ailleurs, c’est eux même qui nous réveillent le matin. Depuis qu’ils se sont installés, le bruit est tellement intense qu’on ne parvient plus à regarder la télé la journée ni même écouter la radio», soutient la dame Sokhna Mbengue. Assise tranquillement au seuil de sa maison, le regard attentif au moindre déplacement des piétons. «Si ce n’est pas pour d’importants projets, je me déplace jamais. Très souvent, les gens nous envahissent demandant un tel ou tel autre service. Et ce n’est pas sûr», avance-t-elle. Et d’ajouter : «Quand on se parle, on est obligé de crier fort pour s’entendre. La situation est difficile pour nous. Nous sommes obligés d’enfermer les enfants toute la journée». Pour Sokhna Mbengue, les opérations de déguerpissements des marchands ambulants, ne visaient qu’à préparer le terrain de ce business lucratif. Non loin de la maison de Sokhna Mbengue, un jeune homme rencontré à quelques pas du marché déplore la situation qui sévit sur les lieux une fois que ciel ouvre ses vannes. « L’installation des tentes est à l’origine du manque d’espace. Par exemple s’il pleut ils ont un problème d’évacuation de l’eau de pluies car les espaces sont trop serrés». Les occupants des cantines eux aussi ont leur mot à dire sur la situation. Une jeune fille de teint clair, la vingtaine qui a refusé de décliner son identité soutient, «Nous déplorons véritablement l’installation des tentes parce que ça nous empêche de vendre comme avant et de faire un chiffre d’affaires élevé. Les tentes nous dérange vraiment». Dans la même mouvance, Moustapha Sow, un vendeur de perle et de broderie, affirme : «Il n’y a pas assez d’espace entre les boutiques et les tentes, ce qui crée, du coup, un problème de mobilité pour les clients».

INSTALLATION DE COMMERCES DANS LES LIEUX DEGUERPIS : Le désengorgement de la capitale hypothéqué

Presque toutes les communes qui organisent des foires actuellement se sont déjà affrontées avec les marchands ambulants. Le prétexte étant de déguerpir les occupants «anarchiques» des lieux non destinés au commerce. Au marché Hlm, l’équipe municipale appuyée par les forces de l’ordre s’est plusieurs fois heurtée aux commerçants. Les opérations de désengorgement ont été aussi tendues entre la municipalité de la Patte-d’oie et les occupants des abords de l’hôpital Nabil Choucair. Ils ont été déguerpis, des grilles de protection installées pour sécuriser les lieux. Actuellement, de toutes les grandes artères qui ont été déjà déguerpies, seules quelques unes n’ont pas encore retrouvé leur lustre d’antan. La mobilité devient de plus en plus difficile. En plus des occupants permanents, les habitués des foires, les marchés hebdomadaires sont organisés dans presque tous les quartiers de la capitale.
Sud Quotidien

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