Leur fille, victime de harcèlement scolaire s’est suicidée, ils veulent briser le silence

Collégienne à Lille, Emilie Monk s’est suicidée en décembre 2015, victime de harcèlement scolaire. Pour la première fois depuis le drame, ses parents ont témoigné ce lundi lors d’une table-ronde sur le harcèlement scolaire.

Le 19 décembre 2015, Émilie Monk, 17 ans, se défenestrait après avoir été victime de harcèlement scolaire. Elle est décédée un mois plus tard à l’hôpital. La lycéenne lilloise a laissé derrière elle de nombreux textes dont un récit autobiographique, dans lequel elle raconte son calvaire de la classe de cinquième à la troisième dans un collège catholique privé du Vieux-Lille.

Ses parents, Virginie Derensy et Ian Monk, ont décidé de publier le texte et de témoigner de ce que leur fille a vécu. La jeune fille, qui voulait être écrivain, avait vocation à laisser un message à sa famille, aux autres, à ceux qui, comme elles, ont ou continuent à vivre le harcèlement scolaire. C’est la raison pour laquelle ses parents sont venus témoigner ce lundi 13 mars lors d’une table ronde organisée à l’École Supérieure de Journalisme de Lille.

Collèges publics ou privés, tous concernés

« On a vraiment l’impression que dans ce type d’établissements privés, élitistes c’est la réputation et les résultats scolaires qui comptent, et qu’ils se disent que le harcèlement ça n’existe pas, ou que ça se passe chez les pauvres« , déplore Ian Monk, le père d’Émilie.

Car Émilie était scolarisée dans un collège privé. Un profil qui n’exempte de mettre en place des outils de prévention contre le harcèlement scolaire, par ailleurs puni par la loi. Une démarche rendue « obligatoire » par le ministère de l’Éducation, rappelle Valérie Lépron, conseillère principale d’éducation au collège Louise Michel à Lille. Mais qui dans les faits reste au bon vouloir des équipes pédagogiques.

Le harcèlement scolaire, « une petite flèche chaque jour »

Le collège Louise-Michel travaille depuis trois ans avec l’Association intercommunale d’aide aux victimes et de médiation pour repérer et prendre en charge les cas de harcèlement dans l’établissement. Ateliers, information, implication de tous les collégiens, mise en place de « potes vigilants », jusqu’à l’accompagnement psychologique et juridique dans certains cas.

Les enfants harcelés sont « attaqués par une toute petite flèche chaque jour, des petites gouttes de poison« . Les mots de Valérie Lépron sont forts, mais c’est bien cela dont souffrent les victimes de harcèlement. Une violence quotidienne plus difficile à déceler au collège où les professeurs ont plus de classes et plus d’élèves qu’à l’école primaire.

Briser le silence sans être « une balance »

Les enfants victimes de harcèlement, pétrifiés, n’osent briser le silence à cause de la peur, de la honte ou pour ne pas inquiéter leur entourage. « Je ne voulais pas que mes parents s’inquiètent […] Je savais qu’ils iraient voir le principal pour lui dire et que ça ne ferait qu’empirer la situation« , écrit Émilie dans son récit autobiographique.

Une difficulté à parler que confirme Sarah. La collégienne a été victime elle aussi de harcèlement scolaire avec plusieurs de ses amies. Aujourd’hui, elle participe aux actions de lutte contre le harcèlement mises en place dans son établissement. Prévenir un adulte, c’est un défi de taille pour les élèves témoins, les « paires », qui craignent aussi de se faire traiter de « balance » s’ils essaient de protéger une victime.

Un outil pédagogique pour les établissements scolaires

Après cette première publication, les parents d’Émilie souhaitent faire éditer le récit de leur fille dans un format « pédagogique » à destination des enseignants et des élèves, peut-être pour la prochaine rentrée scolaire.

Lors de la table ronde, d’autres victimes ont témoigné comme Marie, élève dans le même collège qu’Émilie. Elle a attiré l’attention sur les endroits propices aux agressions : les couloirs, la cour de récré, la cantine, les toilettes, la sortie des cours… Et si l’école est un lieu si exposé au harcèlement, c’est peut-être aussi parce qu’elle est « le miroir de notre société« , intervient une jeune enseignante de Roubaix.

Pour Viriginie Derensy et Ian Monk, l’école et les parents doivent transmettre aux enfants certaines valeurs pour éviter le harcèlement scolaire comme l’empathie, le respect de l’autre, la générosité. Des valeurs que leur fille Émilie incarnait et souligne aujourd’hui dans ce récit autobiographique.

« Rester fort » d’Emilie Monk, publié aux éditions Slatkine et Cie, 9,90 euros. Les fonds récoltés par les ventes seront reversés à deux associations, Les Parents (qui lutte contre le harcèlement scolaire) et L214 (engagée contre la maltraitance animale, une cause chère à Emilie et sa famille).

  • Camille Marigaux – France Bleu Nord
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