Le SOIR mène une Enquête sur les lobbies et groupes de pression au Sénégal

Le Sénégal compte comme tous les pays du monde, des lobbies et des groupes de pression. Ces derniers agissent en coulisses et tentent d’influencer les décisions des pouvoirs publics. Nous avons dénombré plusieurs groupes de pressions, à savoir le lobby médiatique, le lobby maraboutique, le lobby libanais, le lobby judiciaire et bien d’autres.les lobbies

Le lobby médiatique reste l’un des plus puissants au Sénégal. La presse a façonné la vie politique de notre pays ces dernières années. Constitués en plusieurs organisations, comme le syndicat des patrons de presse, les journalistes sénégalais ont été remerciés par Me Abdoulaye Wade en 2000 à son accession au pouvoir. Pour le pape du Sopi, ils ont été les principaux artisans de sa victoire. Avec le régime de Macky Sall, beaucoup de journalistes ont intégré le gouvernement à savoir Abdou Latif Coulibaly, Souleymane Jules Diop, Yakham Mbaye… On oubliera pas les cas de El Hadji Kassé ou de Abou Abel Thiam. Et bien d’autres qui sont dans des sphères déterminantes de ce système politique. «Les journalistes sont parmi les premiers confidents des hommes politiques. Chacun a besoin de l’autre ». C’est pourquoi, depuis 2000, ils sont parmi les hommes de pouvoir.

Le groupe Sud a été le premier organe de presse à fournir un de ses brillants journalistes, feu Cherif Elvalide Sèye, comme conseiller en communication de Me Abdoulaye Wade. L’un des fondateurs de ce groupe, Babacar Touré, a été conseiller spécial de Abdou Diouf, tout comme de Wade avant que leur compagnonnage ne s’arrête après la parution du livre de Abdou Latif Coulibaly. «Les journalistes de Sud, Babacar Touré en premier, ont été pendant longtemps des hommes de réseaux », lâche cet ancien membre de la rédaction dudit journal.

Avec le pouvoir de Macky Sall, cette présence de journalistes s’est accrue. «En réalité, l’actuel président comptait beaucoup d’amis journalistes dans son entourage avant son arrivée au pouvoir. C’est naturellement que ces derniers ont accepté de travailler avec lui dès qu’il a pris le pouvoir ». Des relations qui ont duré des années et qui sont, pour certains, apparues au grand jour à l’arrivée de Sall comme président de la République.

Les journaux au Sénégal sont souvent créés pour être des groupes de pression. C’est en 1998 que les premiers hommes d’affaires sont entrés dans le métier. Avec la création du journal Le Matin, Baba Tandian devenait le premier industriel à faire des journaux. Il était accompagné dans son actionnariat par Bara Tall, puis par Youssou  Nour et Cheikh Tall Dioum. Curieusement, à part Youssou Ndour, les autres hommes d’affaires étaient très proches de l’ancien président Abdou Diouf. Baba Tandian était à l’époque dans le cercle de la première dame, Elisabeth Diouf, tout comme Bara Tall. Certains analystes avaient avancé à l’époque que le journal avait été créé pour maintenir des privilèges et gagner des marchés. Vrai  ou faux ?

Depuis cette entrée, les hommes d’affaires n’ont plus lâché les médias. Et le dernier à entrer dans le créneau est Mbackiou Faye qui a lancé un quotidien il y a un an. «La presse reste un excellent moyen de faire pression sur les pouvoirs politiques et influencer des décisions, ce qui est valable dans tous les pays du monde est également valable au Sénégal »

Comme autre lobby, celui des milieux maraboutiques. Culturellement, chaque Sénégalais est affilié à une confrérie et ces dernières sont très influentes dans la vie politique et économiques du pays. Chaque homme politique est obligé de compter sur un marabout comme parrain. «Les hommes d’Etat sont obligés de tenir compte des avis et recommandations de telle ou telle confrérie quand ils forment un gouvernement et doivent nommer à des postes importants », renseigne ce ministre. «C’est pourquoi dans les cours des grandes familles maraboutiques, il n’est pas rare de rencontrer des personnalités politiques influentes ». Cette influence est très marquée dans la société sénégalaise et les pouvoirs politiques en tiennent compte énormément.

Autre lobby, les Libanais. Dans les affaires, les Libanais sont arrivés à s’imposer. Principalement dans les secteurs de l’agro-alimentaire, de la grande distribution et des industries de transformation. Ils sont répartis en plusieurs groupuscules et chaque partie essaie de tenir les rênes de l’économie. Ils influencent le ministère du commerce, les Impôts et bien des services de l’Etat. «Aujourd’hui, pas moins de 40% du tissu économique est contrôlé par une cinquantaine de familles libanaises. Il est difficile aujourd’hui pour une société appartenant à un Sénégalais de souche de percer dans le domaine de la grande distribution car ils contrôlent une bonne partie ». Les rares qui y sont arrivés font l’objet d’une guerre épique.

Il y a le lobby des industriels français. Cette dernière a été très active pendant les années 70, 80 et 90. Mais le changement de système politique à Dakar a fait reculer le jeu de pouvoir que les hommes d’affaires français présents au Sénégal entretenaient avec le pouvoir socialiste. Durant le règne de Wade, les discussions des soirées de ce cercle très fermé tournaient autour de la perte de terrain (économique) et de la régression de l’influence des Français au Sénégal. Ils ont longtemps déploré l’entrée des Marocains sur le marché sénégalais. Ces derniers, d’ailleurs, ont pratiquement relégué au second plan les Français dans le secteur des banques et des assurances.

On peut également dire qu’il y a un lobby marocain qui est en train de se former au Sénégal. En effet, les banques sénégalaises sont détenues à 30% par des capitaux du royaume chérifien. Cependant, l’influence des Marocains dans la vie politique sénégalaise est très marginale, voire inexistante.

Il existe d’autres lobbies moins influents. Comme les inspecteurs des Impôts et Domaines ou les les magistrats. Ils n’ont pas d’influence sur le jeu politique mais ont un redoutable instinct de conservation et de protection de leurs acquis.

    Le Soir – Quotidien Numérique

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