Le Sénégal ne tombera pas dans les travers de la rente pétrolière et gazière

Il est vrai que la manne pétrolière et gazière est, en elle-même, une  bénédiction  et  constitue  un puissant  apport  en  capital  pour financer  le  développement  dans nos  pays  à  faible  revenu. Toutefois, cette manne  financière  peut  devenir  un  désavantage chronique,  lorsqu’elle  est  mal utilisée et mal répartie, au point que ce qui devrait être a priori un privilège devient un malheur  ou une  malédiction. 

En  effet,  nous devrions  nous  méfier  de  cet argent diviseur  qui  peut détruire l’homme  et  les  sociétés  en étant  un  funeste  compagnon. Dans  d’autres  endroits  du monde, certains Etats ne bénéficient pas  de  ressources  naturelles, mais ce désavantage n’a pas pour autant compromis leur survie ; tout au contraire, il a conditionné le  développement  d’immenses capacités en créativité et innovation  pour  la    valorisation du travail, leur permettant de se hisser parmi les Nations les plus développées  au  monde  (Japon, Corée,  Etats  du  sud-est  asiatique).

La malédiction du pétrole que  certains  Etats  africains  ont connu  rappelle  l’illusion  monétaire  subie  par  certains  Etats mercantilistes  (Portugal, Espagne)  qui  croyaient  que  la richesse  des  Nations  proviendrait de  l’accumulation  de métaux précieux et qui justifient aujourd’hui  leur  retard  économique vis-à-vis  de  l’Angleterre ou de la France, lesquels  avaient misé sur le progrès  technique et scientifique  pour  la  valorisation du travail. N’est-ce pas aujourd’hui  un  paradoxe  que  le  Nigeria ou  l’Angola,  qui  figurent  parmi les plus grands pays producteurs de  pétrole  et  de  gaz  au  monde avec  plus  de  deux  millions  de barils  par  jour,  connaissent  des situations  d’extrême  pauvreté d’une  bonne  partie  de  leurs populations,  des  crises  économiques aiguës et guerres latentes pouvant  compromettre  l’avenir de ces pays en tant que Nation ?  Dans lesdits pays, la croissance économique  est  essentiellement soutenue par le secteur pétrolier et gazier qui contribue à hauteur de 80% des recettes budgétaires et  d’exportation.

Cette  manne financière qui sert à financer des biens  de  consommation  importés ou  à  entretenir  des  oligarchies au  détriment  du  financement de  l’investissement  productif pour  le  développement économique n’est pas viable. Pis, la rente pétrolière qui ne sert pas à financer le développement économique renforce  les  inégalités, accroît  les  tensions  sociales  et n’invite ni à la diversification ni à l’innovation  et  encore  moins  à l’esprit  d’entreprise  et  à  la  formation.

De  ce  point  de  vue,  les exemples en Afrique de mal gouvernance des revenus du pétrole foisonnent au Gabon, au Congo, au  Cameroun,  au  Soudan  ou  au Tchad. Le Nigeria qui était grand exportateur  mondial  d’arachide, de  cacao  et  d’huile  de  palme subit  la  désagrégation  de  son économie  agricole  et  de  ses industries  de  transformation  au profit  de  la  rente  pétrolière, devenant  ainsi  vulnérable  aux chocs exogènes. Le Sénégal,  à l’instar des pays asiatiques  sans  ressources  naturelles stratégiques, a vécu durant des  décennies  sans  le  pétrole  et le  gaz,  et  a  su  développer  des réflexes d’auto survie, en plus du fait qu’il soit dans la zone soudano-sahélienne où il ne pleut que trois mois  sur  douze. C’est  ainsi que  notre  pays  a  su  développer l’agriculture  en  toute  saison,  de façon  à  valoriser  le  travail  au nord et au sud du Sénégal, ainsi que l’installation  d’industries  de transformation.

C’est ainsi également que des institutions solides existent    dans    notre  pays  et qu’une  priorité  soit  accordée  à l’éducation  et  à  la  formation.  Il est indéniable que l’existence de ces pré-requis constitue des avantages comparatifs à certains pays africains victimes des avatars de la  rente  pétrolière  et  gazière,  et qui  sont  très  tôt  entrés,  sans  y être  suffisamment  préparés,  à l’ère  de  l’exploitation  à  grande échelle  de  l’or  noir.

C’est  dire aujourd’hui  que  le  Sénégal  est assez outillé pour ne pas subir les travers  d’un  esprit  rentier  dans l’utilisation  des  revenus  pétroliers. D’ailleurs,  le  Président Macky Sall en est tellement conscient qu’il  a  constitutionalisé l’appartenance  au  Peuple  des ressources  naturelles    avec  le dernier  référendum,  créé  un organe  inclusif  d’orientation stratégique  du  pétrole  et  du  gaz (Cos-Petrogaz)  qui  saura  faire une  planification  dans  l’utilisation efficiente des ressources du pétrole et du gaz, et cerise sur le gâteau,  envisage  de  réviser  le Code pétrolier en vue de la sauvegarde des intérêts du Peuple.

A ce  titre, la politique de diversification pour  l’exploitation  des réserves entre les majors est gage d’indépendance  et  de  sécurité. Mais le plus important est l’existence du  Pse  et  la  volonté  du Président Macky Sall de financer la transformation structurelle de l’économie  sénégalaise  et  le développement  du  capital humain  à  partir  des  revenus pétroliers.  Si  bien  qu’à  moyen terme,  les  programmes  d’autosuffisance en  riz,  en  viande,  en lait  etc.

le  développement  des industries  de  transformation  et des Pme-Pmi, la réalisation d’infrastructures structurantes,  la formation  et  le  relèvement  des capacités  d’exportation  hors hydrocarbures  pourront  connaître  des  développements  fulgurants, sans  endettement  extérieur  notable.  Toutes  ces  mesures nous  permettront  de  ne  pas tomber  dans  les  travers  de  la rente  pétrolière,  parce  qu’on aura été suffisamment préventif, en  sachant  où nous  allons  grâce au  Pse,  en  développant  la transparence,  en  diversifiant notre  économie  et  en  augmentant sa  résilience  face  aux chocs exogènes qui détruisent des pays comme  le  Nigeria,  l’Angola,  le Venezuela ou le Brésil.

En  dépit  des  convoitises  et manipulations de politiciens pour faire  des  ressources  naturelles une  rente  politique,  le  génie  de notre  Peuple  nous  garantira  la bénédiction  du  pétrole  et  du  gaz avec l’aide de Dieu.

Kadialy GASSAMA

Economiste, Rue Faidherbe X Pierre Verger Rufisque.

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