Fiscalité : L’Etat a renoncé à 1.436 milliards de FCfa entre 2008 et 2013

De 2008 à 2013, l’Etat a renoncé à des recettes fiscales de l’ordre de 1.436 milliards de FCfa. Ces dérogations fiscales, qui ont des fondements économiques et sociaux, ont essentiellement bénéficié aux entreprises et aux ménages, selon un rapport de la Direction des Impôts et Domaines (Dgid) présenté, vendredi, lors d’un séminaire avec les journalistes du Cojes.

En cinq ans, (2008-2013), les exonérations fiscales accordées par l’Etat du Sénégal s’élèvent à 1436 milliards de FCfa. Les principaux bénéficiaires de ces mesures sont les entreprises et les ménages. Dans le lot, on trouve les Ong disposant de programmes d’investissements agréés, les collectivités publiques, les ambassades et organisations internationales. C’est ce qui ressort d’un rapport portant sur l’impact de ces dérogations sur les recettes budgétaires que la Direction générale des Impôts et des Domaines (Dgid) a partagé avec le Collectif des journalistes économiques du Sénégal (Cojes), vendredi, lors d’un séminaire à Saly. Ce document répond à la directive du 27 mars 2009 portant Code de transparence dans la gestion des finances publiques au sein de l’Uemoa. « Les mesures fiscales dérogatoires renvoient aux dispositions qui permettent d’atténuer ou de neutraliser, voire de simplement reporter, l’imposition d’une opération ou d’un revenu qui, sans elles, serait soumis à l’impôt. Elles se matérialisent par une renonciation de l’Etat à des recettes potentielles. En cela, elles sont considérées comme des dépenses fiscales, par opposition aux dépenses budgétaires », a expliqué Mor Fall, inspecteur des Impôts et Domaines, également chef du bureau de la législation à la Dgid, lors de sa présentation portant sur les régimes fiscaux dérogatoires.

En 2008, ces recettes fiscales dérogatoires avaient atteint 377 milliards de FCfa. En 2009, elles étaient de l’ordre de 300 milliards. En 2010, elles avaient fortement baissé, passant à 219 milliards de FCfa. A partir de 2011, elles sont reparties à la hausse, atteignant 257 milliards de FCfa, puis 279 milliards de FCfa en 2012 et 534 milliards de FCfa en 2013.

Ces dérogations fiscales ne relèvent pas d’une générosité des autorités, elles ont des fondements économiques ou sociaux, a souligné M. Fall. Sur le plan économique, elles peuvent avoir comme objectifs la promotion de l’investissement, le soutien à des secteurs clés de l’économie (ressources extractives, tourisme, agriculture), la promotion des exportations, la stabilisation des prix de certains produits, le soutien à l’industrie, etc. Sur le plan social, la mise en œuvre de régimes fiscaux dérogatoires permet à l’Etat d’intervenir dans les prix de certains biens ou services (tranches sociales d’eau et d’électricité, exonération de Tva du gaz butane…) et à faciliter l’accès des populations aux services sociaux de base (secteurs de l’éducation et de santé…). Enfin, elles peuvent aussi encourager la création d’emplois. Et cela contribue à la répartition des richesses.

Si l’exonération fiscale est la plus connue, il existe d’autres mesures dérogatoires, a expliqué l’inspecteur des Impôts et Domaines. Il s’agit notamment des réductions de base ou de taux ou le crédit impôt.

Les performances de la Dgid n’en souffrent pas, selon Cheikh Ahmed Tidiane Bâ

Ces remises fiscales gracieuses ne remettent pas en cause les performances de la direction générale des Impôts et Domaines, a assuré Cheikh Ahmed Tidiane Bâ, soulignant que c’est un moyen d’attirer les investisseurs dans un monde de plus en plus concurrentiel. « Aujourd’hui, on assiste, au niveau mondial, à la course du moins disant fiscal. C’est un moyen d’attirer les investisseurs », a-t-il soutenu. Par ailleurs, pour renforcer son système d’information des usagers, la Dgid va lancer très prochainement un centre d’appel et de support, en plus d’un dispositif de communication par sms. « L’objectif visé à travers ces plateformes est de faire en sorte que tous les contribuables soient informés de leurs obligations fiscales et ainsi contribuer au renforcement de l’équité et de l’égalité devant l’impôt », a-t-il ajouté.
Le secteur informel, « une fiscalisation pas aisée »

Introduisant le thème sur la fiscalité du secteur informel, l’inspecteur des Impôts et Domaines Abdoulaye Gningue, chef de section de la fiscalité indirecte, a reconnu la difficulté à formaliser ce secteur. « La fiscalité du secteur informel n’est pas aisée », a-t-il déclaré. Cela s’explique, selon lui, par le fait que la définition même du secteur informel pose problème dans ses fondements. « Il n’y a pas un seul secteur informel, il y en a plusieurs. A côté de l’informel de subsistance, il y a le grand informel qui évolue dans le marché gris et qui se soustrait frauduleusement à ses obligations déclaratives. Aujourd’hui, le combat de l’administration fiscale, c’est de faire en sorte que ce secteur informel se formalise dans les plus brefs délais », a-t-il soutenu.

Et depuis 2004, la Dgid essaie de formaliser la fiscalité dans le secteur informel, mais sans grands succès. « On a mis en place une infrastructure institutionnelle et des dispositifs opératoires, tels que la Contribution globale unique (Cgu) qui est un impôt synthétique pour réduire les coûts liés à la formalisation. Elle était payée annuellement une seule fois depuis 2004. Malheureusement, à l’épreuve de la pratique et après évaluation, on s’est rendu compte qu’elle n’a pas été opérante. Certains contribuables s’y sont engouffrés de manière opportuniste et y sont restés », a-t-il expliqué. Depuis, la Dgid a développé d’autres stratégies à la faveur du nouveau Code général des Impôts en aménageant notamment un dispositif tampon : le régime du réel simplifié qui va permettre de migrer définitivement vers le régime réel normal.

Toutes ces stratégies visent à faire en sorte que le secteur informel contribue, de manière optimale, à la mobilisation des recettes fiscales. Si la contribution de ce secteur à la formation du Pib est évalué à 47 %, sa contribution aux recettes fiscales intérieures reste très faible, car ne dépassant pas 3 milliards de FCfa, selon la Dgid. « C’est alarmant comme constat. Alors que les potentialités sont énormes dans ce secteur. Des efforts doivent être faits de part et d’autres », a ajouté M. Gningue.

La Dgid a réalisé une plus-value de 50 milliards de FCfa au premier trimestre
Au premier trimestre de l’année 2016, la direction générale des Impôts et Domaines est en avance sur les prévisions de recettes à mobiliser et chiffrées à 1.200 milliards de FCfa. Selon Cheikh Ahmed Tidiane Bâ, les services fiscaux ont déjà réalisé une plus-value de plus de 50 milliards de FCfa. « Le taux de production a dépassé deux fois le taux de croissance à la fin du premier trimestre de 2016 », s’est-il félicité. Avec les nombreuses niches qui restent à exploiter, M. Bâ est persuadé que la Dgid peut faire plus en termes de mobilisation de recettes.

lesoleil

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