Enquête dénommée « Dirty Diesel » : l’Afrique inondée de carburants dangereux pour la santé, Total, pas concerné

L’ONG Public Eye a publié ce mois de septembre une enquête dénommée « Dirty Diesel » (carburant toxique). Celle-ci révèle que les négociants suisses du secteur inondent l’Afrique de carburants dangereux pour la santé.

Les enquêteurs se sont rendus dans 8 pays africains dont le Sénégal pour faire de prélèvements dans les stations-service de quatre négociants suisses, Vitol, Trafigura, Addax & Oryx group et Lynx Energy.

Public Eye a conclu que 80 % du carburant vendu en Afrique seraient interdits en Europe. Et pour cause. Ils contiennent jusqu’à près de 380 fois plus de soufre que la norme européenne.

Pourquoi les 8 pays africains choisis ? Pourquoi quatre négociants suisses ? Cette enquête ne fait-elle pas l’affaire du français Total, pas concerné par le rapport ?

Marc Guéniat, « Responsable enquête » à Public Eye, s’explique en exclusivité pour SeneWeb. Il a accepté de répondre à nos questions par mail.

Pourquoi votre enquête ne s’est-elle intéressée qu’à 8 pays ? Et pourquoi ces pays ?

Nous avons sélectionné ces 8 pays en fonction de deux critères : la faiblesse des standards relatifs à la teneur en soufre des carburants et la présence de stations-service appartenant à des négociants suisses. Ceci nous a conduits à nous concentrer sur la partie ouest de l’Afrique, du Sénégal à la Zambie.

Quel est le niveau de gravité de la situation au Sénégal, comparé à celui des autres pays concernés par votre étude ?

Il n’y a pas a priori de pays plus ou moins touché. Il faut considérer, d’une part, les standards en vigueur dans les différents pays et, d’autre part, la teneur en soufre que nous avons décelée à la pompe en analysant les carburants. Aucun des 47 échantillons de diesel et d’essence que nous avons analysés n’aurait pu être vendu en Europe, ce qui signifie que tous dépassent le seuil de nocivité minimal (10 parties par million). Pour une analyse plus fine de nos résultats, je vous recommande la lecture du chapitre 6 de notre rapport (Public Eye, qui a envoyé une enquêtrice sur le port d’Amsterdam, « le plus grand terminal d’essence du monde », constate que « 80 % des diesels exportés des Pays-Bas vers l’Afrique seraient interdits à la vente en Europe »). Par ailleurs, il serait intéressant que d’autres organismes testent les carburants vendus en Afrique de l’Ouest.

Pourquoi vous ne vous êtes intéressés qu’à quatre négociants ? Pourquoi Total, qui occupe d’importantes parts de marché en Afrique, surtout au Sénégal, n’est pas concerné par votre enquête ?

En tant qu’ONG suisse, Public Eye porte un regard critique sur l’impact de la Suisse et de ses entreprises sur les pays pauvres. Elle lutte contre les injustices trouvant leur origine en Suisse et demande le respect des droits humains partout dans le monde. Cela étant, nous savons que même si les négociants suisses jouent un rôle important dans l’approvisionnement et la vente de carburants en Afrique, d’autres sociétés, comme Total, sont également présentes. Il serait, en effet, fort intéressant de mieux connaître les opérations de ces acteurs dans l’avala pétrolier africain.

Ne craignez-vous pas d’être soupçonnés de rouler pour Total, qui pourrait tirer des dividendes de votre étude qui éclabousse certains de ses concurrents en Afrique ?

Public Eye est une ONG de droit suisse totalement indépendante puisqu’elle est entièrement financée par ses membres. À ce titre, elle s’empare elle-même en toute liberté des thématiques qu’elle entend porter à la connaissance du public.

Seriez-vous disposés à apporter votre concours à ceux qui seraient tentés de saisir la justice contre les négociants épinglés dans votre enquête ?

Tout dépend de ce que l’on nous demande, mais en principe nous n’avons strictement rien à cacher quant aux résultats de notre enquête, ses buts et ses moyens.

Seneweb

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