Droits de l’homme : Amnesty International liste les « péchés » du Sénégal

Amnesty International a procédé hier àla publication de son rapport annuel 2016-2017. Dans ledit rapport, le Sénégal n’a pas échappé aux critiques en matière de préservation des droits humains.

La situation des droits humains au Sénégal continue de préoccuper au plus haut niveau Amnesty International section Sénégal.

Selon EnQuete, hier, lors du lancement de son rapport annuel 2016/2017, l’ONG a relevé des failles en matière de privation des libertés. Seydi Gassama estime que la liberté de réunion, encadrée par la Constitution, est toujours “bafouée” au Sénégal. “Les autorités ont interdit plusieurs manifestations pacifiques d’organisations de la Société civile et de partis politiques et arrêté des manifestants.

En octobre, les forces de sécurité ont utilisé du gaz lacrymogène pour disperser une manifestation pacifique organisée par l’opposition”, a-t-il plaidé. En effet, a rappelé le directeur exécutif d’Amnesty au Sénégal, le préfet de Dakar avait “cherché à imposer” aux manifestants un autre itinéraire que celui prévu. Une décision qu’il a justifiée par un arrêté de 2011 (l’arrêté Ousmane Ngom) qui interdisait toute manifestation dans le centre-ville de Dakar. “Le droit de manifester est un droit fondamental. L’Etat doit faire des efforts dans ce sens”, a-t-il ajouté. Evoquant la situation de la liberté d’expression et d’opinion au Sénégal, Seydi Gassama a invité l’Etat à cesser ses actes “d’intimidation et de harcèlements” à l’encontre des journalistes.

De l’avis du patron d’Amnesty International Sénégal, le but de ces actes, c’est de les “faire taire ou les empêcher” de relayer les critiques contre le gouvernement. “En février dernier, le journaliste Mamadou Mouth Bane a été convoqué par la Division des investigations criminelles (Dic) et interrogé pendant plus de 12 heures en raison de commentaires jugés ‘séditieux’ prononcés à la télévision à l’approche du référendum sur la Constitution”, a poursuivi Seydi Gassama qui, par la même occasion, est revenu sur le cas de la rappeuse Ramatoulaye Diallo, alias Déesse Major, maintenue en détention pendant trois jours pour “attentat à la pudeur et atteintes aux bonnes mœurs”.

En septembre, un autre journaliste, Ahmed Aidara, a été convoqué à la gendarmerie et interrogé pendant plusieurs heures, avant d’être relâché. Il lui était reproché de donner la parole à des détenus dans une émission matinale, quelques heures avant la mutinerie dans la Maison d’arrêt de Rebeuss à Dakar.

Un gouvernement “réprimeur” L’Etat use de tous les moyens pour annuler ou contraindre à arrêter les manifestations, selon Seydi Gassama qui fustige ces méthodes.

D’après lui, le gouvernement a continué à “réprimer les lanceurs d’alerte et tous ceux qui exprimaient une opinion dissidente au sein de l’administration”. “Un membre de la société civile, qui demandait des comptes et la transparence dans la gestion des affaires de l’Etat, a subi un harcèlement judiciaire qui, de toute évidence, visait à le dissuader de faire son travail”, a-t-il dénoncé.

Bien que l’Etat ait posé des actes pour protéger les droits de l’enfant et les droits des communautés affectées par l’exploitation minière, a-t-il ajouté, presque toutes les préoccupations soulevées par le rapport, au cours des dix dernières années, demeurent. Aux yeux d’Amnesty, la Constitution adoptée par référendum en mars 2016 n’a pas apporté les changements attendus en matière d’indépendance de la justice et de protection des droits humains. 6 cas de décès en détention en 2016 Le rapport annuel s’émeut aussi des décès en détention qui sont en train de gagner du terrain au Sénégal.

Déjà, Amnesty International a dénombré six cas de décès en détention, en 2016. Le dernier exemple en date est celui du concessionnaire Elimane Touré qui est décédé dans les locaux du commissariat du Port Autonome de Dakar, le mardi 20 février 2017. Pour Seydi Gassama, cette situation est “déplorable”.

Outre ces genres de décès, il a aussi fustigé les cas de décès suite aux recours “excessifs à la force”. “Le 14 février 2017, un jeune orpailleur, Yamadou Sagna, a été tué par balle par un douanier à Kobokhoto, commune de Khossanto, dans la région de Kédougou.

Yamadou Sagna ne présentait aucun danger pour les douaniers. Une manifestation de protestation contre sa mort a été sévèrement réprimée par la gendarmerie, qui a tiré des grenades lacrymogènes et incendié une vingtaine de cases et des greniers. Le préjudice causé par l’incendie doit être évalué et les victimes indemnisées”, a-t-il martelé. Pour ce qui concerne les droits des détenus, le directeur exécutif d’Amnesty Sénégal soutient que les prisons sénégalaises “sont toujours surpeuplées”.

La maison d’arrêt de Rebeuss à Dakar, a-t-il ajouté, compte environ 2090 détenus, pour une capacité d’accueil maximale de 1600 personnes. D’ailleurs, rappelle-t-il, un détenu a été tué par balles dans cette prison au mois de septembre, lors d’une mutinerie. 41 autres personnes ont été blessées au cours de cette mutinerie, dont 14 gardiens de prison. Dans beaucoup d’autres prisons, relève Seydi Gassama, les détenus “n’ont pas accès aux toilettes la nuit, les cellules en étant dépourvues et ils doivent faire leurs besoins dans des seaux, en présence des codétenus”.

Le rapport fait également cas de l’impunité devenue, selon Amnesty, une vieille habitude au Sénégal. Un pays où on note plus ou moins une évolution de l’Etat de droit.

En effet, Amnesty international fait le constat de certaines affaires relatives à des “homicides illégaux commis par les forces de sécurité qui restent encore impunies” après de longues procédures judiciaires. “Néanmoins, aucun responsable hiérarchique n’a eu à rendre des comptes pour n’avoir pas empêché des recours excessifs à la force, et personne n’a été traduit en justice pour des dizaines d’autres cas de torture, d’homicides illégaux et de morts en détention survenus, depuis 2007”, note Seydi Gassama.

En revanche, le conducteur du véhicule de police qui a heurté l’étudiant Mamadou Diop, lors de la manifestation à la Place de l’Obélisque en 2012, a été condamné à 2 ans d’emprisonnement et à une amende pour coups mortels et coups et blessures volontaires. De même que le policier qui avait abattu Bassirou Faye en 2014 pendant une manifestation à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar.

Ce dernier a écopé de 20 ans de travaux forcés. Par ailleurs, Amnesty International section Sénégal s’est réjoui de la tenue à Dakar, au mois de mai 2016, du procès de l’ancien président tchadien Hissein Habré, reconnu coupable de crimes contre l’humanité, de crimes et d’actes de torture. Ce dernier a été même condamné à la réclusion criminelle à perpétuité par les Chambres africaines extraordinaires (Cae).

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