Décharge de Mbeubeuss: Ce que l’on ignorait jusqu’ici

Destination finale pour les ordures ménagères de la région de Dakar, Mbeubeuss est ces derniers jours sous le feu de la rampe. Un incendie d’une rare violence enregistré sur la plateforme, le jeudi dernier avait causé la mort d’au moins 4 personnes. Seneweb a déployé une équipe sur les lieux du sinistre. 

Située entre Malika et Keur Massar, le site constitue une zone très fréquentée. Sur la route, on ne peut voir que l’entrée et les camions d’ordures qui entrent et qui sortent et des gens qui s’activent ou discutent.  Mais à l’intérieur, le décor est tout autre. Une fois l’entrée franchie et les camions dépassés, l’on peut s’émouvoir de ce tableau qui se dresse sous les yeux du nouveau venu. C’est un décor fait de personnes aux allures de revenant. Surtout les hommes. Ceux-ci, habillés de vêtements sales, constituent en majorité les récupérateurs/recycleurs. Poisseux et crasseux, ils passeraient bien pour des malades mentaux du fait de leurs tenues de travail. Or, ils constituent les acteurs clés de cette plateforme.

Rencontrés à quelques heures de l’arrivée du ministre de la Gouvernance locale, du Développement et de l’Aménagement du territoire, Abdoulaye Diouf Sarr, quelques-uns de ces recycleurs ont pleuré sur leur sort. Ndèye Astou Mané, recycleuse spécialisée dans la récupération des objets en plastique, aluminium et de la ferraille, dit n’avoir aujourd’hui que ses yeux pour pleurer. Ruinée, elle dit l’être quasiment pour la simple raison que toutes ses économies et ses biens sont parties en fumée. Le teint clair, la cinquantaine, elle s’activait dans ce site. Elle avait fait des tas d’immondices, son lieu de commerce.

«Des boutiques décimées par les flammes»

«Je viens ici tous les jours récupérer des objets que je revendais sur place. Je ramassais tout ce qui peut être vendu. Des bouteilles, des bassines et des seaux cassés qu’on appelle ici ‘’Ndayalee’’. Je pourrais chiffrer mes pertes dans cet incendie à une centaine de milliers de francs. Cela fait 9 années que je m’active ici. C’est ici où je trouve ma pitance, les ressources nécessaires pour ma dépense quotidienne et même l’argent de mon loyer. Lorsque l’incendie s’est déclaré, nous étions à l’intérieur de la plateforme. J’ai tout perdu ici», confie la dame. Elle avait interrompu les fouilles qu’elle entreprenait à notre arrivée, pour trouver quelques objets à vendre, avant de répondre à l’interview.

Ce monsieur là-bas, Mbodj, dit-elle en pointant le doigt vers un homme, c’est à lui que je revendais tout ce que je ramassais. Il a perdu près d’un million de nos francs dans l’incendie. Aujourd’hui, toute la lumière n’a pas été faite sur ce drame.  «Ma place était non loin d’ici. Si vous étiez venu sur ce site plus tôt, vous auriez pu croire que c’est un village. Beaucoup de gens venus des localités rurales s’étaient installés ici. Beaucoup d’argent est parti est en fumée. Il y a même des boutiques décimées par les flammes», renchérit-elle.

«Une des victimes était recycleur de greffage»

Pressé de se confier, le vieux Daly Sène a coupé la parole à sa jeune collègue. Âgé de 70 ans, il avait pour activité principale l’achat de ferraille. «Je vendais aussi des sacs de riz vides que je mettais en ballot et que j’amenais à Touba. J’ai un client qui m’envoyait 300 000 F Cfa pour que je lui achète des sacs. Le préjudice que j’ai subi dépasse le million de francs. Demandez à voir Dame Sène, acheteur de ferraille, je suis très connu. Depuis 1973, je m’active dans l’achat de ferraille. Cela fait donc pour moi quelques 43 ans que je suis dans ce secteur et j’y gagne ma vie. Le coin était rempli de gîtes pour des gens. Beaucoup vivaient ici. Je connais bien l’une des victimes. C’est une jeune dame qui était spécialisée dans le recyclage des greffages», indique-t-il.

Laissé sur les ruines de sa place, Mme Fatou Ba, récupératrice/recycleuse, s’est présentée à l’équipe pour pleurer sur son sort. De taille moyenne, proprement vêtue et de teint clair, rien n’indique qu’elle est une des actrices de ce site. Cela fait des années qu’elle travaille dans cette atmosphère polluée qui contraste avec l’odeur forte des ordures brûlées et d’un sol noirci par les flammes.

«Je suis veuve et c’est ici où je gagne mon pain»

«J’ai bouclé mes 10 ans d’activité dans ce site. Ce sont mes enfants qui ont pris le relais et qui gèrent depuis, les activités. Je viens, cependant, de temps en temps sur le site pour leur prêter main forte. Nous sommes des responsables de familles et nous nous activons ici pour trouver notre pitance. Il est donc bon, que les autorités nous viennent en aide. Je suis une des sinistrés de cet incendie. Tous mes biens ont été réduits en cendre. Je collectais des matières plastiques que je revendais. C’est quand j’ai compris que je ne pouvais rien faire pour sauver mon stock que je me suis résolue à quitter les lieux. Mes voisins ont aussi perdu des biens importants dans ce feu», a indiqué Mme Ba.

Dans ses dires, elle n’a pas oublié de déplorer ceux qui réclament la fermeture du site. «J’entends certains plaider la fermeture du site. Je puis dire aujourd’hui, que si l’Etat venait à fermer ce site, il ferait une énorme erreur. Beaucoup de gens tirent leurs ressources de ce site. Moi, j’en fais partie. Je suis veuve et c’est ici où je gagne mon pain. C’est dans ce site de récupération qui a été réduit en cendre où je gagne de quoi subvenir à mes besoins et nourrir mes enfants», renseigne-t-elle. Elle a toutefois, précisé qu’il y a plusieurs sites. Il en existait d’autres comme celui appelé ‘’Baol’’ qui a été réduit en cendre, lesquels sites referment, entre autres, des stocks de plastique, de verre, de ferrailles ou de sacs de riz vides.

SeneWeb

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