CARTES D’IDENTITÉ BIOMÉTRIQUE : Les vraies raisons de la non-délivrance

Le constat est alarmant, surtout si elle vient de l’homme de l’art. C’était connu, les cartes d’identité biométrique Cedeao, servant également de carte d’électeur, accusent de graves retards dans la livraison. Ce qu’on ignorait, c’était les manquements humains, et les défaillances techniques qui y ont conduit.

L’opposition tire, à juste titre, sur les autorités en charge des Législatives pour la non-délivrance des cartes d’électeur. Mais peut-être pour les mauvaises raisons. Les quelques révélations provenant de la Direction de l’automatisation du fichier (Daf) permettent d’y voir un peu plus clair. Elles précisent que cette situation ne découle pas d’une “volonté préméditée de piper les dés pour ces Législatives” mais bien d’une succession de manquements, d’erreurs de calcul, qu’on pourrait qualifier même de fautes graves.

Une source bien au fait de ce dossier résume le fond du problème à un contre-la montre enclenché par le directeur de la structure, le Daf Ibrahima Diallo, alors que le délai “très court ne permettait pas une confection effective” de cartes d’identité biométrique de la Cedeao.

Tout est parti du marché de gré à gré de 50 milliards contracté par les autorités avec la malaisienne IRIS Corp. Berhad, pour la confection de cartes biométriques, le 27 mai 2016, pour la fabrication de 10 millions de pièces en cinq ans. Ce qui d’ailleurs a fait plier bagage à l’anglaise De La Rue, fournisseur de talons, qui, en compagnie de la société sénégalaise Synapsys, était préposée à la confection des cartes numérisées, initiées sous la présidence d’Abdoulaye Wade.

Quelques agents de la Daf devaient subir une formation, à l’initiative de l’adjudicataire IRIS, pour la maîtrise du nouveau système biométrique. “C’est là qu’il y a eu beaucoup de couacs puisque la formation a été bâclée. Iris s’y est pris trop tard surtout quand l’opposition a commencé à râler”, affirme-t-on. Des carences qui ont manifestement déteint sur les vacataires recrutés, chargés de la saisie des informations avant la production des pièces d’identité. La manœuvre consistait à les faire travailler dans quatre brigades par roulement de 8h à 13h, 13h-18h, 18- 23h, 23h-6h. Ils devaient saisir, par lot de 50, les informations déjà collectées.

Pourquoi ont-ils fait un si mauvais travail ? La source d’affirmer que les sommes modiques qui leur étaient proposées comme émoluments, 60 à 75 mille FCFA, ont souvent tardé à tomber et que beaucoup, en guise de représailles, ont fait un travail qui s’apparentait ni plus ni moins à du sabotage. “Ils faisaient juste la saisie de 10 ou 15 cartes, les empaquetaient dans une unité de 50 cartes en les marquant tous OK”, déplore la source.

Dans ce jeu de dupes, la brigade estudiantine, celle de 23H -6 heures du matin, a battu le record de la protestation. “Un jour, ils nous ont remis un paquet de 50 cartes en y laissant la note suivante : “faye lène niou souniou khaalis” (payez nous, Ndlr)”, fait-on savoir.” “Beaucoup cherchent et chercheront leurs cartes…” Avec cette saisie mal faite, c’est au moment de la production que les agents de la Daf se sont rendu compte qu’elle était non seulement incomplète, mais truffée d’erreurs, justement à cause des carences dans la formation.

Il se trouve que dans l’énumération du numéro d’identification, c’est le genre qui vient d’abord (1 pour le sexe masculin et 2 pour le sexe féminin), puis le code de la localité, l’année de naissance, et le numéro de l’extrait de naissance. La machine fonctionnant avec une reconnaissance de ces chiffres, les rejets ont été nombreux du fait des saisies mal effectuées. “Ce qui va se passer est que les gens verront leurs noms sur les listes électorales, mais n’auront pas leurs cartes ou, a contrario, disposeront de leurs cartes mais ne pourront émarger sur les listes car leurs noms n’y figurent pas”, s’inquiète notre source.

La sortie du Daf vendredi dernier, déclarant que seuls 200 mille personnes pourraient être laissées sur le carreau de la non-délivrance, est contredite. Dans les couloirs de cette structure on parle d’un demi-million de personnes qui en seront exclues. “Beaucoup cherchent et chercheront leurs cartes mais ne les trouveront pas”.De ce fait une réinitialisation du travail de saisie s’est imposée aux agents de la Daf puisque la majorité des vacataires ont arrêté entre-temps.

Inquiets de cette situation, certains vacataires qui sont toujours en poste à la Direction de l’automatisation des fichiers ont envoyé une correspondance au président de la République Macky Sall cette semaine pour l’informer de ce qui s’y passe réellement, convaincus que les bonnes informations ne remontent pas en haut lieu.

D’ailleurs, on déplore la communication savamment menée par le Daf Ibrahima Diallo qui, lors du lancement, a confectionné et délivré sur le champ, la pièce du chef de l’Etat. Toutes nos tentatives d’entrer en contact avec la direction de la Daf ont été vaines. Mais dans la structure l’on assure que tout pourrait rentrer dans l’ordre… “Si on prend le temps de bien faire, c’est-à-dire après les élections”. Pas sûr que l’opposition apprécie !


Les nouvelles mesures du ministère de l’Intérieur

Au ministère de l’Intérieur, on semble prendre chaque jour un peu plus l’ampleur de la contestation. Les communiqués se suivent et se ressemblent. Après le préfet de Dakar hier, deux mesures ont été prises par la Place Washington à savoir “les citoyens habitant la région de Dakar et qui votent dans les régions de Dakar peuvent retirer leurs cartes de leur lieu de vote” ; “pour les citoyens inscrits dans la région de Dakar et qui ont souhaité voter dans les autres régions, les cartes sont retirées auprès de la Préfecture du département d’inscription (Dakar, Pikine, Guédiawaye, ou Rufisque)”, précise la note.


  • EnQuete
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