Amnesty – Rapport sur la peine capitale : Les couloirs de la mort ne désemplissent pas

Le plaidoyer pour l’abolition de la peine de mort est en train de porter ses fruits. Amnesty international, qui a publié son rapport, sur les condamnations à mort et les exécutions, renseigne qu’il a été noté la progression vers l’abandon de cette pratique, avec 4 pays qui ont aboli  ce châtiment en 2015. Mais à côté de cette avancée, l’organisation de défense des droits de l’Homme déplore la hausse du nombre d’exécutions.

Amnesty a publié son rapport 2015 portant sur les condamnations à mort et les exécutions dans le monde.  Les chiffres partagés hier, avec la presse, mettent en évidence deux évolutions radicalement opposées. Selon Alioune Tine, directeur régional d’Amnesty pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre, il a été noté la progression vers l’abolition de la peine capitale dans 4 pays  dont Fidji, Suriname et Congo.  «Ce qui est considéré comme un important progrès car depuis 2007 autant de pays n’avaient aboli la peine de mort en même temps», a-t-il déclaré. Mais le paradoxe c’est qu’à côté de cette avancée, il a été noté une augmentation du nombre d’exécutions. Dans ce rapport, on note que le nombre d’exécutions a augmenté de plus de 50% par rapport à 2014. «Jamais l’organisation n’en avait enregistré autant depuis 1989 (exception faite de la Chine)», a-t-on informé. D’après cette organisation de défense des droits humains, «au moins 1634 personnes ont été mises à mort, soit 573 de plus qu’en 2014». «Ce chiffre ne tient pas compte du nombre de personnes exécutées en Chine, car ce type de statistiques y est toujours classé secret d’Etat», a-t-on précisé. Dans le tableau des pays ayant recours à ce châtiment figurent l’Arabie Saoudite, l’Iran et le Pakistan, qui «ont été responsables de 89% des exécutions». «Le nombre d’exécutions signalées en Arabie Saoudite et en Iran a augmenté de 76% et de 31%  respectivement par rapport à l’année précédente. Plus de 320 personnes ont été exécutées au Pakistan en 2015», a-t-on expliqué. Concernant le Pakistan, Amnesty international souligne que ce chiffre, «le plus élevé jamais observé» dans ce pays sur une année, «fait suite à la levée le 17 septembre 2014, d’un moratoire sur les exécutions en vigueur depuis 6 ans».

Reprise des exécutions dans certains pays

S’agissant de l’Afrique subsaharienne, des progrès ont été certes notés. Mais, l’inquiétude d’Amnesty International réside dans le fait qu’il a été constaté avec la lutte contre le terrorisme, la reprise des exécutions dans certains Etats qui s’étaient abstenus d’appliquer la peine capitale durant des années. La directrice adjointe d’Amnesty Inter­national en Afrique de l’Ouest et du Centre a, en guise d’exemple, cité le cas du Tchad qui s’est abstenu d’exécuter cette sentence durant 12 ans. Selon Samira Daoud, «le Tchad a exécuté 10 personnes, soupçonnées d’appartenir à Boko haram, et a adopté une nouvelle loi antiterroriste autorisant le recours à la peine capitale».  Pour Mme Daoud, cette réaction est liée au phénomène du terrorisme. «C’est un réflexe que l’opinion publique peut avoir en croyant que la peine capitale peut être l’élément dissuasif dans la lutte contre le terrorisme», a-t-il expliqué. Donnant la position d’Amnesty, elle soutient «qu’il n’y a aucun élément de preuve que la peine capitale est plus dissuasive que les autres sanctions». «On a même des statistiques qui montrent que par exemple au Canada où la peine de mort a été abolie il y a très longtemps, le taux de criminalité a largement baissé, à l’inverse des Etats-Unis où on observe le taux le plus important d’homicides dans les Etats non abolitionnistes», a-t-elle fait savoir.

Poursuivant son plaidoyer pour l’abolition de la peine capitale, cette responsable d’Am­nesty en Afrique soutient que «la responsabilité des Etats n’est pas d’entretenir ce mythe et de prétendre lutter contre le terrorisme en utilisant la loi du talion». De l’avis de Mme Daoud, «il faut montrer que l’Etat ne peut pas utiliser les mêmes méthodes, c’est-à-dire celles de tuer». «Il y a d’autres façons de sanctionner, c’est de poursuivre les coupables, les faire juger, s’assurer qu’ils exécutent leur peine de prison. Le recours à la peine de mort n’est pas la panacée de la lutte contre le terrorisme», a-t-elle plaidé. S’agissant toujours de ce phénomène, il faut noter que «le Cameroun a condamné à mort 89 membres présumés du groupe Boko haram».

Par ailleurs, Amnesty a constaté  «une baisse de 51% du nombre de condamnations à mort même si le nombre de pays où ces condamnations ont été prononcées a lui augmenté passant de 18 en 2014 à 21 en 2015». «La baisse significative du nombre de personnes condamnées à mort au Nigeria explique probablement cette forte diminution», a-t-on précisé.  Au niveau mondial, «au moins 1 998 personnes ont été condamnées à mort dans 61 pays en 2015». D’après Am­nesty international, «ce chiffre est nettement inférieur à celui des années précédentes notamment de 2014, année où l’organisation avait signalé un nombre record de 2 466 condamnations à mort». Pour l’organisation des droits humains, «cette diminution s’explique tout du moins en partie par le fait qu’Amnesty n’a pas été en mesure de corroborer les statistiques de plusieurs pays». «Les estimations de l’organisation pour l’Arabie Saou­dite, l’Iran, le Nigeria, la Somalie et le Viêt-Nam sont plus faibles qu’en 2014 en raison en partie des difficultés d’accès aux informations sur la peine capitale», a-t-on précisé.

Des progrès constatés

Malgré ces préoccupations contenues dans le rapport, Amnesty international se réjouit des progrès réalisés durant l’année 2015.  Dans son rapport, Amnesty informe qu’à «la fin de l’année, 102 pays, plus de la moitié à travers le monde, étaient abolitionnistes pour tous les crimes, et plus des deux tiers étaient abolitionnistes en droit ou en pratique». Dans le document, on ajoute que «plusieurs pays ont également pris des mesures visant à l’abolition de la peine capitale». «Le Parlement de la Mongolie a adopté un nouveau Code pénal abolissant la peine de mort pour tous les crimes et entrant en vigueur en septembre en 2016. Les organes législatifs du Burkina Faso, de la Corée du Sud, de la Guinée, de l’Inde et du Kenya ont examiné des propositions de loi portant abolition de la peine de mort», a-t-on informé.

Dieynaba KANE – LeQuotidien

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